L'EXPROPRIATION
POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE

Table des matières
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Droits de préemption

A - Généralités

B - Instauration

DPU

ZAD - ENSD

C - Mise en oeuvre

Biens soumis aux D.P.

D.I.A.

Mécanismes du D.P.

Phase adminitrative

Phase judiciaire

. Règles de fixation
du prix

. Renonciation

. Transfert-Paiement

. Rétrocession

. Occupants

D - Droit de priorité

E - Droits de délaissement

Cas d'application

Mise en demeure d'acquérir

Fixation du prix

Situation des occupants

Paiement tardif

Téléchargement de l'étude

 

DROITS DE PREEMPTION

Droit de préemption urbain
Zones d'aménagement différé
Espaces naturels sensibles des départements
Droit de priorité

DROITS DE DELAISSEMENT

Par

© Gilbert GANEZ-LOPEZ

Janvier 2021


L'étude détaillée qui suit (téléchargeable au format PDF), comporte une quarantaine de pages au format A4. Le visiteur qui ne recherche pas une information précise et ne souhaite pas s'attarder sur la question peut se contenter de consulter sur ce site le  court article "Les méthodes d'évaluation en cas d'expropriation ou de préemption" (page "Articles"). En outre, un schéma de la procédure de préemption est proposé ci-dessous au téléchargement (une page A4 - pdf 15 ko), immédiatement après ce paragraphe :

Télécharger le schéma de la procédure de préemption (format pdf 15 ko)

 

Avertissement  L'étude est principalement restreinte aux aspects purement judiciaires.

 

A - Exposé préliminaire – Généralités

1 - Le législateur a donné à certaines collectivités ou organismes publics la possibilité d'exercer un droit de préemption à l'occasion de l'aliénation volontaire de certains biens par leur propriétaire, en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'art. L.300-1 C.urb. (art. L.210-1 C.urb.)  :

- Le droit de préemption urbain (DPU) - Art. L.210-1, L. 211-1 et s. du C.urb. ;

- Le droit de préemption en " zone d'aménagement différé " (ZAD) - Art. L.210-1, L.212-2 et s. du C.urb.  ;

- Le droit de préemption dans les espaces naturels sensibles des départements (ENSD), ayant succédé aux " périmètres sensibles " - Art. L.215-1 et s. du C.urb.

L'exercice de ces droits de préemption peut être assimilé par certains côtés à une expropriation, à la différence que le transfert de propriété n'intervient pas au préjudice du propriétaire, puisque ce droit n'est exercé que lorsque le propriétaire a décidé d'aliéner son bien, mais du candidat acquéreur qui est évincé.

Cet exercice ne présenterait pas de difficultés importantes si les titulaires de ces droits se substituaient purement et simplement à l'acquéreur aux mêmes conditions que celles déterminées par les parties ayant convenu librement des conditions de la cession. C'est notamment le cas en cas de vente par adjudication lorsque cette procédure est obligatoire (Art. L.213-1, R.213-14 et R.213-15 du C.urb. - DPU et ZAD ; Art. R.142-12 et R.142-13 du C.urb. - ENSD), la préemption intervenant au prix de la dernière enchère ou surenchère par substitution du titulaire du droit de préemption à l'adjudicataire.

Mais les collectivités publiques se sont vu reconnaître le droit de préempter à des conditions autres, notamment de prix, que celles consenties par le propriétaire vendeur. Faute d'accord amiable entre le vendeur et le titulaire du droit de préemption, le prix est arbitré par le juge de l'expropriation (Art. L.213-4 et L.215-17 du C.urb.).

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2 - Les propriétaires de biens situés en ZAD ou dans les zones soumises au DPU bénéficient parallèlement d'un « droit de délaissement » en vertu duquel ils peuvent proposer au titulaire du droit de préemption d'acquérir leur bien, le refus du titulaire du droit entraînant - le cas échéant sous certaines conditions - la disparition définitive ou momentanée de ce droit (Art. L.211-5 et L.213-8, L.212-3 du C.urb.). En cas d'exercice par le propriétaire de cette possibilité qui lui est offerte, et de désaccord sur le prix, celui-ci est fixé par le juge de l'expropriation, comme dans le cas d'une préemption, les règles et le mécanisme étant sensiblement les mêmes.

Un telle possibilité d’offre de délaissement, qu’il ne faut pas confondre avec les droits visés au paragraphe qui suit, n'existe pas en matière d'ENSD.

* CA Paris 14.02.97 Recchia c/dép. Val-de-Marne, Juris-Data n° 020262.

3 - La loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la "Solidarité et au renouvellement urbains", dite "loi SRU", a regroupé sous le Titre III « Droits de délaissements » du code de l'urbanisme (Art. L.230-1 et suivants) les dispositions relatives aux droits des propriétaires de certains biens d'obliger les collectivités publiques à acquérir ces biens, dans les cas (relativement rares) de sursis à statuer sur une demande d'autorisation de travaux lorsque les terrains sont affectés par un projet déclaré d'utilité publique (Art L.424-1 C.urb.), de terrains réservés par un PLU ou soumis à une servitude les rendant temporairement inconstructibles en application des articles L.151-41 et L.152-2 C.urb. issus de ladite loi, ou encore compris dans le périmètre d'une zone d'aménagement concerté (ZAC), en application de l'article L.311-2 C.urb.

Les modalités d'application de ces « droits de délaissements », qui sont distincts de celles relatives au délaissement des biens soumis au DPU ou situés en ZAD, sont réglés par les nouveaux articles L.230-1 à L.230-6 du C.urb. issus de la loi SRU. (infra n° 82 et s., 88 et s.)

Des nouveaux textes prévoyant d’autres droits de délaissement sont venus se greffer par la suite aux dispositions des articles L.230-1 et suivants auxquels ils renvoient pour les modalité d’application :

- la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 (Art. 155), relative à « la démocratie de proximité », pour les terrains soumis à des nuisances, compris dans le périmètre délimité dans le cadre de la réalisation d’un nouvel aéroport de catégorie A ;

- la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 sur les risques technologiques et naturels - complétée par l'ordonnance n° 2015-1324 du 22 octobre 2015 relative aux plans de prévention des risques technologiques - pour les terrains situés soit dans des secteurs riverains ou proches de cours d’eau, soumis aux servitudes d’utilité publique instituées en vue de prévenir les risques de crues ou de ruissellement (Art. L.211-12 C.env.), soit dans des périmètres d’exposition aux risques technologiques liés à des installations présentant des dangers pour la santé ou la sécurité des populations voisines et pour l’environnement(Art. L.515-16 C.env.).

Les autres cas de délaissement étaient déjà prévus au bénéfice des propriétaires de terrains compris dans le périmètre d’une association foncière urbaine (Art. L.322-6 C.urb.), ou d’une déclaration d’utilité publique (Art. L.224-1 C.expro.)

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4 - Dans l'une ou l'autre situation les règles de fixation des indemnités d'expropriation et les règles de procédure devant la juridiction de l'expropriation sont applicables (Art. L.331-2 et R.311-31 du C.expro.), à l'exception de la date de référence prévue par l'art. L.322-3 du C.expro. à laquelle est substituée une autre date selon la nature du droit applicable.

5 - Après une période assez mouvante, de 1985 à 1991, au cours de laquelle les conditions de création des ZAD ont été fortement restreintes, le régime des ZAD est redevenu assez semblable à celui des zones créées antérieurement au 1er juin 1987, date à laquelle a été repoussée l'application de certaines dispositions de la loi n° 85-729 du 18.07.85.

6 - Périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat. La loi n° 2005-882 du 2 août 2005  permet aux conseils municipaux de créer de tels périmètres à l'intérieur desquels les communes peuvent exercer le droit de préemption lors de cessions de fonds artisanaux, de fonds de commerce ou de baux commerciaux (art. L.214-1 à L.214-3 C.urb.). Ce dispositif a été complété par le décret n° 2007-1827 du 26 déc. 2007  (art. R.214-1 à R.214-16 C.urb.).

7 - Droit de priorité. Il a été institué par la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement (Titre IV du Livre II du C.urb. – Art. L.240-1 à L.240-3), en faveur des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) titulaires du DPU, s'appliquant aux biens cédés par l'Etat ou les sociétés dans lesquelles il détient la majorité du capital social, Réseau ferré de France et la SNCF, Voies navigables de France et divers autres établissements publics.

Les mécanismes de ce droit de préemption sont assez semblables à ceux applicables au DPU dont ils s'inspirent, de manière toutefois plus simplifiée, les désaccords sur le prix entre vendeur et titulaire du droit de préemption étant soumis à l'arbitrage du juge de l'expropriation, ce qui est assez singulier, s'agissant d'un contentieux opposant des personnes publiques ou à capitaux majoritairement publics. Compte tenu de la circonstance que ce droit ne concerne pas les personnes privées, il sera évoqué à la fin de cette étude (Infra n° 76 et suivants). Il est à noter que le droit de priorité exclut l'application du droit de préemption urbain (Art. L.211-3 C.urb. – infra n° 20 et 78)

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B – Instauration des droits de préemption

a) – Droit de préemption urbain - DPU (Art. L.211-1 C.urb.)

8 - Le droit de préemption urbain peut être institué par les communes dotées d'un plan d'urbanisme (PLU approuvé), sur l'ensemble des zones urbaines ou d'urbanisation future (zones à urbaniser), et en outre :

- dans les périmètres de protection rapprochée institués autour des points de captage d'eau destinée à l'alimentation humaine;

- dans les périmètres d'exposition aux risques définis par un plan de prévention des risques technologiques (Art. L.515-16 et L.516-1 C.environ.);

- dans les zones soumises aux servitudes instituées sur des terrains riverains d'un cours d'eau ou de sa dérivation, dans son bassin versant ou une zone estuarienne, délimitées par arrêté préfectoral (art. L.211-12 C.environ.);

- dans un secteur sauvegardé couvert par un plan de sauvegarde et de mise en valeur (Art. L.313-1 C.urb.).

- dans les zones soumises aux servitudes instituées en application de l’article L.211-12-II C.env. (prévention des risques liés aux crues et au ruissellement, préservation ou restauration de caractères hydrologiques et géomorphiques ou de certaines zones humides), avec possibilité de délégation à la collectivité ayant demandé la création de la servitude ;

9 – Le droit est institué par une délibération du conseil municipal. Il peut être délégué à l'établissement public de coopération communale (EPCI) dont fait partie la commune (Art. L.211-2 C.urb.). Lorsque l'EPCI a reçu compétence pour l'élaboration des documents d'urbanisme et la réalisation des ZAC il a compétence de plein droit en matière de DPU.

Le droit peut aussi être délégué à l'Etat, une collectivité locale ou un aménageur (établissement public ou société d'économie mixte), de même que pour les ZAD (Art. L.213-3 C.urb.).

Pendant la durée d'application d'un arrêté pris sur le fondement de l'art. L.302-9-1 du code de la construction et de l'habitation (constat de carence de la commune en matière de logements locatifs sociaux), le droit de préemption peut être institué ou rétabli par arrêté du représentant de l'Etat dans le département. Pendant la même durée le droit de préemption est exercé par le dit représentant de l'Etat qui peut le déléguer à un établissement public foncier créé en application de l'art. L.321-1 C.urb., à une société d'économie mixte ou à un organisme d'HLM prévus par l'art. L.411-2 C.constr.&hab., lorsque l'aliénation porte sur un terrain bâti ou non affecté au logement ou destiné à être affecté à une opération ayant fait l'objet de la convention prévue à l'art. L.302-9-1 précité (art L.210-1 et L.211-1 C.urb.).

10 – L'incorporation de plein droit d'un PAZ à un PLU n'entraîne pas automatiquement l'application du droit de préemption urbain dans le périmètre considéré, une nouvelle délibération devant être prise en ce sens (infra n° 51)  :

* Civ. 3°, 08 juin 2006, n° 05-70071.

* Civ. 3°, 10 nov.2010, n° 15-23174.

Mais par ailleurs, selon la Cour de cassation, le passage d'un plan d'occupation des sols (POS) au plan local d'urbanisme (PLU) n'entraîne pas automatiquement la caducité de la délibération ayant institué le droit de préemption urbain :

* Civ. 3°, 20 mars 2013, n° 11-19239, publié au Bulletin.

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11 - De même, la mise en compatibilité d'un plan d'urbanisme intervenue par arrêté préfectoral dans le cadre d'une D.U.P. (Art. L.122 -5 C.expro. et L.153-54 à L.153-59 C.urb.) n'a pas pour effet, en l'absence d'une délibération de l'organe compétent, de soumettre automatiquement une zone au droit de préemption urbain

* Civ. 3°, 08 nov. 2006, n° 05-17462.

12 – Les communes simplement dotées d'une carte communale peuvent instituer un droit de préemption à l'intérieur de certains périmètres en vue de la réalisation d'un équipement ou d'une opération déterminés. Le conseil municipal peut supprimer le DPU en totalité ou en partie ou le rétablir par une nouvelle délibération.

b) – Zone d'aménagement différé - ZAD (Art. L.212-2 C.urb.)

13 – Le droit de préemption s'applique au profit d'une collectivité publique, d'un établissement public ou d'une société d'économie mixte, pendant une période de six ans (10 ans renouvelable une fois, dans le cas d'une ZAD créée à l'intérieur du périmètre d'une opération qualifiée «grande opération urbaine» - art L.312-3, L.312-6 C.urb.), renouvelable une fois, à compter de l'acte qui a créé la zone, lequel désigne le titulaire de ce droit. Il est institué par arrêté préfectoral suivant l'avis favorable de la commune ou de l'EPCI compétent pour l'élaboration des documents d'urbanisme et la réalisation des ZAC, ou par décret en Conseil d'Etat dans le cas contraire.Il se substitue de plein droit au DPU antérieurement institué, le cas échéant. Il peut être délégué comme indiqué précédemment à propos du DPU (supra n° 9, 2° alinéa).

Les zones d'aménagement différé créées avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris (J.O. du 5 juin 2010), prennent fin six ans après cette entrée en vigueur ou, si ce délai est plus court, au terme du délai de 14 ans prévu par l'art. L.212-2 C.urb. dans sa rédaction antérieure à la dite loi (art. 6-II de cette même loi).

14 - Un périmètre provisoire peut être délimité par arrêté préfectoral (Art. L.212-3 C.urb.), auquel cas le droit de préemption s'applique à compter de la publication de l'acte au profit de l'Etat ou d'un autre titulaire désigné dans l'acte. L'arrêté devient caduc au bout de deux ans si l'acte créant la zone n'est pas publié dans ce délai.

c) – Espaces naturels sensibles des départements (ENSD – Art. L.215-1 à L.215-24 C.urb .)

15 - Les zones de préemption sont créées à l'initiative du département (art L.113-14 C.urb.), le cas échéant avec l'accord des communes dotées d'un plan d'urbanisme (PLU). Elles peuvent aussi être instituée, sous certaines conditions (cf. Art. L.215-2 C.urb.), par le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres (qui sera dénommé Conservatoire du littoral dans l'exposé par mesure de simplification), à l'extérieur des zones délimitées par le département et en dehors des zones urbaines ou à urbaniser, auquel cas ledit Conservatoire du littoral exerce de plein droit les prérogatives du département dans le périmètre considéré.

L'existence d'une zone de préemption en ENSD n'interdit pas la création d'une ZAD (infra, n° 47).

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16 – Le Conservatoire du littoral ou à défaut la commune peuvent se substituer au département lorsque celui-ci n'exerce pas le droit de préemption. De même, sur le territoire d'un parc national ou d'un parc naturel régional et dans les réserves naturelles dont la gestion leur est confiée, l'établissement public chargé du parc dont il s'agit peut se substituer au département, et, le cas échéant, au Conservatoire du littoral, si ceux-ci n'exercent pas le droit de préemption. 

Dans le cas prévu par l'article L.215-7 C.urb. la commune peut se substituer au département lorsque celui-ci n'exerce pas le droit de préemption

Le département peut aussi déléguer son droit de préemption à divers collectivités ou organismes, notamment au Conservatoire du littoral, à l'occasion de l'aliénation d'un bien ou sur un ou plusiers secteurs de la zone de préemption, lorsque celui-vi est compétent, suivant les prescriptions de l'article L.215-8 C.urb.

d) - Périmètres de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité - (art. L.214-1 C.urb)

17 - Le périmètre d'intervention, délimité par un plan, est institué par délibération du conseil municipal après avis de la chambre de commerce et de la chambre des métiers et de l'artisanat qui ont un délai de deux mois pour se prononcer.

e) – Publicité

18 – Les décisions de création d'une ZAD ou de délimitation d'un périmètre provisoire sont publiées au J.O. ou au recueil des actes administratifs du ou des départements intéressés selon qu'elles sont prises par décret ou par arrêté préfectoral. Les délibérations par lesquelles les communes ou EPCI instituent ou suppriment le DPU sont affichées en mairie pendant un mois. Les décisions de création d'une zone de préemption en ENSD sont publiées au recueil des actes du département. Mention de ces décisions ou délibérations est publiée dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le département. (Art. R.211-2 ; R.212-2 ; R.142-5 C.urb.). Leur opposabilité est subordonnée à l'accomplissement de ces formalités. En outre, en ce qui concerne la zone de préemption en ENSD, une copie de la décision accompagnée des plans de situation et de délimitation est déposée dans les mairies concernées et à l'hôtel du département pour être mis à la disposition du public.

Une copie de ces documents administratifs (décisions, délibérations et plans de situation et de délimitation le cas échéant), est adressée au Conseil supérieur du notariat, à la chambre des notaires, et aux barreaux constitués près les tribunaux de grande instance dans le ressort desquels est située la zone de préemption, ainsi qu'aux greffes de ce tribunaux (ZAD et DPU).

La commune (ZAD – DPU) ou le département (ENSD), selon le cas, ouvre un registre sur lequel seront inscrites les acquisitions réalisées au moyen du droit de préemption et l'utilisation qui sera ensuite faite des biens ainsi acquis (Art. L. 213-13 et L.142-9 C.urb.).

Ce registre peut être consulté à la demande de toute personne qui peut en obtenir un extrait.

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C – Mise en œuvre des droits de préemption

1 - Biens soumis aux droits de préemption

a) - Droit de préemption urbain et  ZAD

19 – Sont soumis au droit de préemption urbain ou au droit de préemption en ZAD (Art. L.213-1 C.urb.) :

- tout immeuble ou ensemble de droits sociaux donnant vocation à l'attribution en propriété ou en jouissance d'un immeuble, bâti ou non bâti, en cas d'aliénation à titre onéreux, sous quelque forme que ce soit (sauf s'il s'agit d'immeubles cédés dans le cadre d'une procédure collective et compris dans un plan de cession arrêté en application des art. L.631-22 ou des art. L.642-1 et suivants du C.comm.  (ce qui ne s'applique pas en cas de cession amiable autorisée par le juge commissaire en dehors d'un tel plan de cession :

* CE 17 déc. 2008, n° 316411, mentionné au recueil Lebon).

- les cessions de droits indivis portant sur un immeuble ou partie d'immeuble, bâti ou non bâti, sauf lorsqu'elles sont consenties à l'un des co-indivisaires, ainsi que les cessions de tantièmes contre remise de locaux à construire.

20 – Exceptions générales au droit de préemption  - Outre les exceptions susvisées l'article L.231-1 C.urb. contient un certain nombre d'exclusions qui ne seront pas détaillés dans le cadre de la présente étude, le lecteur étant renvoyé à consulter la liste figurant aux paragraphes a) à i) dudit article.

- Opérations exclues du droit de préemption urbain - D'autres opérations sont exclues en principe du DPU en vertu des dispositions de l'art. L.211-4 C.urb. (il s'agit pour l'essentiel de droits afférents à des immeubles en copropriété, ou encore d'une exclusion temporaire de propriétés bâties suivant la date de leur achèvement), sauf si la commune décide de l'appliquer néanmoins par une délibération spécialement motivée : on parle alors de « droit de préemption urbain renforcé ».

Rappelons que la déclaration d'intention d'aliéner en application des dispositions relatives au droit de priorité fait échapper les biens auxquels elle s'applique au droit de préemption urbain (Art. L.211-3 C.urb. – supra n° 7; infra n° 20 et 72 ).

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21 En cas d'adjudication, lorsque cette procédure est obligatoire, l'acquisition a lieu au prix de la dernière enchère, par substitution à l'adjudicataire, sauf lorsqu'il s'agit d'une vente mettant fin à une indivision créée volontairement, à moins encore qu'elle ne résulte d'une donation-partage.

En cas de contrat de location-accession  à la propriété immobilière, le droit de préemption s'exerce dès avant la signature du contrat et non au moment de la levée de l'option.

b) – Espaces naturels sensibles des départements

22 – Le droit de préemption s'applique en cas d'aliénation à titre onéreux, sous quelque forme que ce soit, de tout terrain ou ensemble de droits sociaux donnant vocation à l'attribution en propriété ou en jouissance de terrains (Art. L.215-9 C.urb.). A titre exceptionnel, il peut s'appliquer à une propriété bâtie dès lors que le terrain est de dimension suffisante pour justifier son ouverture au public, et qu'il est, par sa localisation, nécessaire à la mise en œuvre de la politique des espaces naturels sensibles des départements.

Le droit de préemption du Conservatoire du littoral est applicable à la cession de droits indivis sur un immeuble ou une partie d'immeuble bâti ou non bâti ainsi qu'à la cession de la majorité des parts d'une société civile immobilière lorsque le patrimoine de cette société est constitué par une unité foncière, bâtie ou non, sur la totalité ou certaines parties des zones de préemption créées par le département ou le conservatoire (art. L.215-13 C.urb.)

c) - Périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité

23 - Le droit de préemption s'applique en cas d'aliénation à titre onéreux de fonds artisanaux, de commerce ou de baux commerciaux. Sont toutefois exclus les biens ou droits compris dans la cession d'une ou plusieurs activités prévues à l'art. L.626-1 du C.com.  ou dans un plan de cession arrêté en application des art. L.631-22 à L.642-17 du dit code (art. R.214-3 C.urb.)

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d) – Préemption partielle

24 - Lorsqu'un immeuble  ou  ensemble immobilier n'est que partiellement soumis à un droit de préemption, le titulaire du droit peut néanmoins l'exercer pour acquérir la seule partie située à l'intérieur de la zone de préemption dès lors que la réalisation d'une opération d'aménagement (DPU ou ZAD – Art. L.213-2-1 C.urb.), ou la mise en œuvre de la politique prévue en matière d'ENSD (Art. L.215-12 C.urb.) le justifient. – cf. infra n° 38.

Dans ce cas le propriétaire peut exiger l'acquisition de l'ensemble de l'unité foncière, et en cas d'acquisition partielle la juridiction tient compte de la dépréciation subie par la fraction restante de l'unité foncière, s'il y a lieu (Art. L.213-4 et L.142-3 précité C.urb.).

e) – Possibilité de délaissement

25 - Tout propriétaire d'un bien soumis au DPU (Art. L.211-5 C.urb.) ou au droit de préemption en ZAD (Art. L.212-3 C.urb.) peut en proposer l'acquisition au titulaire du droit de préemption. Celui-ci dispose d'un délai de deux mois pour se prononcer. A défaut de réponse ou en cas de refus, le bien cesse d'être soumis au droit de préemption en ZAD, ou, s'il est soumis au DPU, peut être vendu librement au prix proposé en délaissement.

 En cas de désaccord sur le prix, celui-ci est fixé par la juridiction de l'expropriation dans les conditions prévues à l'article L.213-4 C.urb. en cas d'exercice du droit de préemption (infra n° 38 et suivants). Le droit de repentir n'existe pas dans le cas d'un délaissement (infra n° 67).

A défaut de paiement dans les six mois suivant soit la décision d'acquérir, soit la décision définitive de la juridiction (ou de consignation en cas d'obstacle au paiement), le bien est rétrocédé à la demande du propriétaire ou de ses ayants cause qui peuvent en disposer librement.

Une telle possibilité de délaissement n'est pas prévue en matière d'ENSD :

* CA Paris, 14 fév. 1997, Juris Data n° 020262.

 2 – La déclaration d'intention d'aliéner (DIA)

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26 - Obligations des vendeurs - A l'occasion de toute aliénation volontaire d'un terrain, le propriétaire vendeur est tenu d'adresser une DIA, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, selon le cas :

- au maire de la commune du lieu de situation du bien (DPU et ZAD) qui la transmet le cas échéant au titulaire du droit de préemption ou à son délégataire, ou au préfet, représentant de l'État titulaire du droit, si le terrain est situé dans un périmètre provisoire de ZAD (Art. L.213-2, R.213-6 C.urb.) ;

- au département du lieu de situation des biens en matière d'ENSD (art. L.215-14 C.urb.) - au président du conseil dépratemental (art. R.215-10 C.urb.).

La DIA peut être déposée contre décharge. Un copie en est aussitôt transmise au maire de la commune, au Conservatoire du littoral ou au délagataire du droit de préemption dans le cas des ENSD (art. R.215-11 C.urb.), et dans les autres cas (DPU et ZAD), au directeur des services fiscaux, la transmission précisant si elle vaut demande d'évaluation . L'évaluation domaniale est nécessaire en matière de DPU ou de ZAD en raison de l'obligation de consigner 15% du montant de ladite évaluation administrative – cf. infra n° 43 – L'avis du domaine est de toutes façons obligatoire lorsque le prix ou l'estimation indiquée dans la DIA (ou le prix que le titulaire du droit envisage de proposer) excède un montant fixé par arrêté ministériel (Art. R.213-15 et R..215-6 C.urb.   Art. 3 du décret du 5 juin 1940 modifié - 75.000 Euros selon arrêté du 17 décembre 2001) .

Les dispositions de l'article L.213-2 C.urb. relatives au dépôt de la D.I.A. sont prescrites à peine de nullité de la vente, et l'autorité administrative incompétente pour recevoir la D.I.A. n'a pas l'obligation de la transmettre au maire de la commune du lieu de situation du bien soumis au droit de préemption (exception à la loi du 12 avril 2000) :

* Civ. 3°, 13 février 2013, n° 11-20655, publié au Bulletin.

L'établissement d'une DIA est obligatoire même dans le cas où une partie seulement des biens aliénés est soumise à un droit de préemption :

* Civ. 3°, 18 fév. 2004, n° 02-15879.

La responsabilité du notaire chargé d'établir la DIA peut être recherchée en raison de ses manquements :

* Civ. 3°, 29 juin 1994, n° 92-15929 et 92-17763, V. AJPI 1996 p. 787? Etude Alain Lévy;

* Civ. 3°, 26 mars 1996, n° 94-14381;

* Civ. 3°, 11 mai 2000, n° 97-18610 et 97-19256.

27- En cas de vente par adjudication la DIA doit être adressée dans les mêmes conditions par le greffier de la juridiction ou par le notaire chargé de la vente, selon le cas, 30 jours (un mois pour les ENSD) au moins avant la date fixée pour la vente (Art. R.213-15 et R.213-15 C.urb.)

Cette formalité est prescrite à peine de nullité de la vente, l'action en nullité étant ouverte au titulaire du droit de préemption pendant les cinq années suivant l'acte de transfert de propriété (art. L.213-2 et L.215-16 du C.urb.), l'action étant portée devant le tribunal de grande instance du lieu de situation des biens (art. R.213-26 et R.215-7 C.urb.).

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28 - La déclaration est souscrite sur un imprimé réglementaire (art. R.231-5 et R.215-10, et A.213-1 –formulaire – C.urb.), mais il n'est pas interdit d'annexer un document à la DIA pour préciser certains éléments, par exemple un plan et la désignation exacte des biens ou les conditions de la vente, et notamment les modalités de rémunération des intermédiaires à la charge de l'acquéreur, ce qui leur permettra d'être payés par la collectivité publique qui supportera ces frais en sus du prix.

* Civ. 3°, 19 juil. 1982, n° 81-11080, JCP 1983 II p. 65 ;

* CA Paris, 9 nov. 1995 com. D'Alfortville c. Société civile Roleva, AJPI 1996 p. 220.

Pour être opposables à l'administration, ces éléments annexes devront être visés par la DIA elle-même qui y renverra expressément

* Civ. 3°, 10 mars 1993, n° 90-19578, Bull. III n° 36 p. 23,  com. Pouilly-les-Nonains, G.P. 1994, somme. ann. p. 12 ;

* Civ. 3°, 30 mais 1996, n° 94-15964, Comm. De St-Yorre c./M. Gamet, Bull. III n° 132; AJPI 1997 p. 36, obs. Alain Lévy;

* Civ. 3°, 17 fév. 1999, Skowronski, Juris-Data n° 000681 ; Constr.-Urb. 1999, 220;

* Voir aussi infra n° 55 en ce qui concerne la rémunération des intermédiaires.

29 - Il est également possible d'indiquer l'identité de l'acquéreur dans la DIA. Une telle indication ouvre à celui-ci :

- le droit de rétrocession à défaut d'utilisation du bien par le titulaire du droit dans le délai prescrit par la loi ;

- le droit à indemnisation en cas d'annulation ou d'illégalité reconnue par les juridictions administratives de l'acte de préemption.

Elle oblige en outre le titulaire du droit de préemption à notifier sa décision à l'acquéreur évincé faute de quoi le délai de recours pour agir contre la décision de préemption ne court pas.

* CE 16 déc. 1994, Beckert req. 116465, Dr. Adm. 1995, 238 ;

* CE 30 juil. 1997, Cne Montrouge req. 169574, Juris-Data n° 050729 ; Dr. Adm. 1997, 366 ; Constr.-Urb. 1998 n° 28.

. En cas de changement d'acquéreur, le vendeur n'est pas tenu de souscrire une nouvelle DIA si les prix et conditions de l'aliénation ne sont pas modifiés

* Rép. Min. N° 19955 ; JOANQ 07.12.98, p. 6732;

* Civ. 3°, 8 oct. 2008, n° 07-15935, Bull. III n° 150.

. On peut toutefois supposer que, pour être opposable à l'administration et entraîner des droits pour le nouvel acquéreur, le changement devra être notifié au titulaire du droit de préemption.

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3 - Mécanismes du droit de préemption (art. R.213-4 et s., R.215-9 et s. C.urb.)

30 - Ils s'appliquent sauf en matière d'adjudication forcée. Dans un tel cas le greffier de la juridiction ou le notaire chargé de la vente adresse une DIA au maire trente jours au moins avant la date prévue pour la vente, en faisant connaître la date et les modalités de celle-ci. La préemption intervient au prix de la dernière enchère ou de la surenchère par substitution à l'adjudicataire dans les 30 jours suivant l'adjudication. La décision est notifiée au greffier ou au notaire (LR-AR) et une copie en est annexée à l'acte authentique et publiée en même temps que celui-ci (art. R.213-14 C.urb.).

En cas d'adjudication volontaire, hors les cas où cette procédure est obligatoire, l'exercice du droit de préemption suite à la DIA adressée par le greffier du tribunal ou le notaire s'oppose à ce que la vente puisse être poursuivie.

a) - La phase administrative

31 - Exercice du droit de préemption - Il peut être délégué, selon les cas, au maire (ZAD, DPU, ENSD – Art. L.2122-22 CGCT(*) ), au président du conseil général (ENSD – Art. L.3221-12 CGCT) ou à d'autres personnes à l'occasion de l'aliénation d'un bien. En cas de délégation permanente, l'autorité délégante ne peut plus exercer le droit elle-même. Le délégué peut subdéléguer l'exercice du droit de préemption. Les délégations ne se poursuivent pas au-delà de l'expiration du mandat du délégant ou du délégué. Ainsi, la délégation donnée à un maire par son conseil municipal pour exercer les droits de préemption dont la commune est titulaire doit être renouvelée après de nouvelles élections municipales.

Note (*) : code général des collectivités territoriales

32 – La décision de préemption doit être motivée (Art. L.210-1 C.urb. - infra n° 54). En matière de DPU et de ZAD, le droit de préemption ne peut être exercé qu'en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L.300-1 du code de l'urbanisme, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels – qui répondent en fait aux objectifs définis par l'article L.113-8 pour les ENSD – ou pour constituer des réserves foncières.

Dans les cas de constitution de réserves foncières en ZAD, mise en œuvre d'un programme local de l'habitat ou à défaut d'un programme de construction de logements locatifs sociaux, la motivation peut renvoyer simplement à celle de l'acte ayant créé la zone ou à la délibération de la commune, selon le cas (même art. L.210-1 susvisé).

33 - Sanction de l'illégalité de la préemption (Art. L.213-8 C.urb.) :  si la décision de préempter est annulée ou déclarée illégale par la juridiction administrative, le propriétaire peut vendre librement le bien sans être tenu par les prix et conditions exprimées dans la DIA, dans l'année suivant la décision juridictionnelle devenue définitive. Les litiges ayant pour objet l'exécution de la décision par laquelle le juge administratif a annulé une décision de préemption sont aussi de la compétence de la juridiction administrative

* Trib. des Conflits, 12 juin 2017

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34 - Délai pour notifier la décision de préemption par son titulaire ou son délégué :

- DPU et ZAD (ou périmètre provisoire de ZAD) : deux mois (Art L.213-2 C.urb.) ;

- ENSD (Art. L.142-4 C.urb.) : 3 mois, ce délai se décomposant comme suit :

- 2 mois pour le conseil général (art. R.215-12 C.urb.),

- + 15 jours (au total 75 jours), à défaut, pour le Conservatoire de l'Espace Littoral et des Rivages Lacustres (art. R.215-14 C.urb.),

- + 15 jours (au total trois mois), à défaut, pour la commune (art. R.215-16 C.urb.).

- Sanction de l'inobservation du délai : le titulaire du droit de préemption est réputé y avoir renoncé (Art. L.213-2, L.215-15 C.urb.)

35 - En cas de décision négative  voir infra n° 57

36 - En cas de décision positive, deux cas se présentent :

la préemption a lieu aux prix et conditions indiqués dans la DIA : la vente est définitive (il y a accord sur la chose et sur le prix).

la préemption a lieu à d'autres conditions : le propriétaire est avisé qu'il peut demander la fixation judiciaire du prix.

* Voir à ce sujet Civ. 3° 30 mai 1996 précité (supra n° 28)et les observations d'Alain Lévy à propos des conditions pour que la vente soit parfaite.

Dans cette dernière situation, le vendeur dispose d'un délai de deux mois pour répondre à l'offre du titulaire du droit de préemption. A défaut de réponse dans ce délai il est réputé avoir renoncé à l'aliénation (" retrait de DIA " implicite),

* Civ. 3°, 4 juin 2003, n° 00-17084, Bull. III n° 124,

et la saisine de la juridiction de l'expropriation en fixation du prix pendant ce délai de deux mois laissé au propriétaire est irrégulière

* Civ. 3°, 12 mars 2003, n° 02-70049, Bull. III n° 62,

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37 - En cas de réponse autre que le retrait de la DIA de la part du vendeur, deux situations se présentent :

- acceptation par le vendeur de l'offre du titulaire du droit de préemption : la vente est définitive (id supra n° 36).

- désaccord et maintien du prix et des conditions de la DIA, et acceptation de fixation judiciaire du prix, auquel cas, la procédure se poursuit par la phase judiciaire. Il n'est pas nécessaire que le vendeur indique expressément qu'il accepte la fixation judiciaire du prix : son acceptation est tacite dès l'instant où il refuse le prix proposé et ne déclare pas renoncer à l'aliénation :

* Civ. 3°, 12 juil. 2000, n° 98-22866, Cts de Saint-Pern c./Sté HLM Le Val de Loire.

b) - La phase judiciaire

1°) - Rôle du juge judiciaire

38 - Il intervient uniquement dans la fixation du prix. La juridiction de l'expropriation ne peut statuer sur la légalité de l'acte de préemption

* Civ. 3° 16 oct. 1991, D. 1991 IR p.259, et G.P. 1992, somm. annotés p. 11,

* Civ. 3° 13 juil. 1993, n° 91-70058,

* Civ. 3° 22 fév. 1995, n° 93-70250, JCP 1995-II, 22442,

ou pour annuler des actes de vente successifs faisant suite à une préemption estimée irrégulière

*Civ. 3°, 21 oct. 2009, n° 08-11162, Bull. III n° 232.

Il reste qu'une difficulté peut se présenter en cas d'absence totale de droit de préemption. Exemple : exercice du droit de préemption urbain sur un terrain situé en zone A ou N du PLU (NC ou ND du POS). Aussi bizarre que cela puisse paraître, il arrive que le cas se présente à la suite d'erreurs successives commises par un notaire et les services administratifs d'une collectivité publique. La solution pourrait consister dans une fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt et du défaut de qualité pour agir, étant rappelé que l'irrecevabilité pour défaut d'intérêt pour agir peut être soulevée d'office par le juge (Art. 125 NCPC).

Une telle situation était plus fréquente dans le régime antérieur à la loi SRU, et il convient de rappeler à ce sujet la jurisprudence du Conseil d'Etat (cf. ci-après), selon laquelle l'exercice du droit de préemption sur une unité foncière partiellement incluse dans un périmètre de préemption était impossible, hors l'hypothèse où la vente est intervenue dans le but de faire échec au droit de préemption.

* Rép. min. JO déb. AN 15.10.90 p. 4848 ;

* CE 1° ss, 23 juin 1995, req. 128151, Cne de Bouxières-aux-Dames -

* Jurisprudence déjà appliquée aux ZIF, CE 29.07.83, GP 1984, panor. P. 229.

La loi SRU a mis fin à cette impossibilité en ce qui concerne le DPU et les ZAD, en permettant la préemption partielle d'une unité foncière, la même modification étant intervenu postérieurement pour les ENSD avec l'art. 165-III de la loi n° 2002-276 du 27 fév; 2002 relative à la démocratie de proximitécf. supra n° 24.

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39 – A notre avis, la même fin de non-recevoir doit pouvoir être soulevée devant le juge judiciaire, éventuellement d'office par celui-ci, lorsque la collectivité publique est réputée avoir renoncé à l'acquisition ou à l'exercice du droit de préemption par suite de l'inobservation d'un délai impératif ou d'une formalité prescrite à peine d'une telle sanction. Dans un tel cas, le juge judiciaire ne se prononce que sur les conditions de la recevabilité de l'action portée devant lui. C'est par exemple ce qu'a jugé le TGI de Bobigny à propos du défaut de la consignation prévue par l'art. R.213-11 C.urb. de la part du titulaire du droit de préemption – cf. infra n° 45.

Mais plus simplement, la jurisprudence consacre le principe du contrôle par le juge judiciaire de la régularité des actes administratifs individuels de préemption, notamment au regard des délais dans lesquels ils doivent être exercés, et des personnes auxquelles les notifications doivent être faites. Cf. notamment  :

* Civ. 3°, 30 mars 1994, n° 91-22240,

* Civ. 3°, 14 mai 1997, n° 95-16230,

* Civ. 3°, 12 juil. 2000, n° 98-22866, Cts de Saint-Pern précité (supra n° 37)

La cour de cassation a aussi jugé, par exemple, que la vérification du dépôt de la décision de préemption au regard du délai de deux mois prévu par l'art. R.213-7 C.urb. avant l'expiration du droit de préemption n'impliquait aucune difficulté sérieuse quant à la validité de l'acte administratif en cause et rentrait dans la compétence du juge judiciaire :

* Civ. 3°, 18 oct. 1994, n° 92-18142.

De même, elle a sanctionné une cour d'appel qui s'était déclarée incompétente au profit de la juridiction administrative en refusant de constater l'irrégularité d'un acte de préemption tardif (en ENSD) émanant d'un maire agissant en qualité de délégataire du président du conseil général   :

* Civ. 3°, 8 mars 2005, n° 02-21574.

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2°) - Qualité pour saisir le juge de l'expropriation

40 - l'action est réservée au seul titulaire du droit de préemption (Art. R.213.11 et R.215-9 C.urb.).

Elle doit être dirigée contre le propriétaire des biens préemptés :

* Civ. 3°, 22 juin 2005, n° 04-70064.

3°) - Délai pour saisir le Juge de l'expropriation

41 - La saisine doit intervenir dans les 15 jours à compter de la réponse du propriétaire à la décision de préemption (mêmes articles).

Sanction de l'inobservation de ce délai(mêmes articles) : le titulaire du droit est réputé avoir renoncé à l'exercice de ce droit (cf. supra n° 39 )

* Civ. 3°, 13 juil. 1994, n° 92-18331;

* Civ. 3°, 12 juil. 2000 Cts de Saint-Pern précité (supra n° 37).

Il est en conséquence impératif pour le titulaire du droit de préemption qui entend l'exercer de se préparer très tôt à l'établissement de son mémoire de manière à pouvoir saisir rapidement la juridiction de l'expropriation dès que cela s'avère nécessaire.

4°) - Modalités de saisine du juge

42 – Le demandeur notifie un mémoire au propriétaire et envoie (L.R.) une copie en double exemplaire au juge de l'expropriation avec la requête (Art. R.213-11 et R.215-9 C.urb. - v. aussi les art. R.311-9 et R.311-10 C.expro.

5°) - Obligation de consigner (Art. L.213-4-1 et R.213-11 C.urb.)

43 - En cas de fixation judiciaire du prix, le titulaire du droit de préemption est tenu de consigner 15 % du montant de l'évaluation du prix par le directeur des services fiscaux et de notifier copie du récépissé de consignation dans le délai de 3 mois suivant la saisine du juge de l'expropriation.

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44 - Cette obligation ne s'applique qu'en matière de droit de préemption urbain et en ZAD créée depuis le 1er juin 1987.

Elle est inapplicable pour les ENSD  (Art. L.215-20 C.urb. a contrario - voir la jurisprudence nombreuse relative aux ZAD crées antérieurement au 01.06.87  - Art. 9-III L. 18.07.85 - Jurisprudence nombreuse, notamment * Civ. 3° 11 fév. 1998, D. 1998 I.R. ; AJPI 1998 p. 628 - plusieurs arrêts).

45 - Sanction du défaut de consignation (défaut de notification du récépissé) : le titulaire du droit est réputé avoir renoncé à l'acquisition ou à l'exercice de ce droit (supra n° 39).

* T.G.I. Bobigny 12 juil. 1996, Ville du Bourget c/ COFIC, AJPI 1997 p. 573, obs. A.B. ;

* CA Nancy 19 mai 1995, cts Brocas c/ Ville de Pont-à-Mousson, Juris Data n° 049416 ; JCP 1996, IV n° 2187.

Cette présomption, même résultant du simple défaut de notification de la consignation au propriétaire du bien préempté est irréfragable

* Civ. 3°, 9 mai 2012, n° 11-12567.

c) Règles de fixation du prix

1°) Application du code de l'expropriation

46 - En l'absence d'autre disposition spéciale,les règles sont celles du code de l'expropriation :

- règles de procédure : Art. R.311-9 et suivants du C.expro. (Art R..311-31 C.expro.).

- règles de fond : règles applicables en matière d'expropriation, Art. L.322-1 et suivants de C.expro. notamment (art. L.331-2 C.expro.), sauf interdiction de toute indemnité accessoire, même de remploi(infra n° 48).

Voir à ce sujet la page « Fixation des indemnités d’expropriation – Principes d’évaluation »;

47 – Comme en matière d'expropriation, le juge statue dans les limites des prétentions des parties, et des conclusions du commissaire du gouvernement lorsque celui-ci propose une évaluation inférieure à l'offre du titulaire du droit de préemption (Art. R.311-22 C.expro.). Il a été jugé que rien n'interdit au juge de statuer au-delà du prix exprimé par le vendeur dans la DIA si celui-ci fait une demande supérieure à ce prix :

* CA Versailles, 10 juin 1997, DNID c./SCI La Fauconnière ; AJPI 1997 p. 1097, obs. Alain Lévy; Juris Data n°1997-045656.

Cela n'aurait rien d'anormal, notamment, en cas d'évolution rapide du marché immobilier, en raison du temps écoulé entre la date du compromis de vente et l'établissement de la DIA, d'une part, et la date à laquelle la juridiction serait appelée à statuer sur le prix d'autre part.

48 - Le prix est exclusif de toute indemnité accessoire, notamment de remploi (Art. L.213-4 et L.215-17 C.urb.), ce qui exclut aussi en principe la possibilité de réquisition d'emprise totale (* Civ. 3° 14 février 1996, Ville de Paris c/ Kold Star, AJPI 1996, p. 486, jurisprudence ancienne), sauf les cas maintenant prévus par les articles L.213-2-1 et L.215-19 du C.urb. lors d'une préemption partielle d'une unité foncière qui permettent aussi l'octroi d'une indemnité accessoire au titre de la dépréciation du surplus de cette unité foncière – supra n° 24.

Les améliorations, transformations ou changements d'affectation opérées par le propriétaire postérieurement à la date de référence ne sont pas présumés revêtir un caractère spéculatif (comparer avec L.322-1, 2°al. C.expro.), ce qui n'exclut pas que la preuve de l'intention spéculative puisse être rapportée (mêmes art. L.213-4 et L.215-17).

2°) Date de référence

49 - La date de référence est fixée (art. L.213-4 C.urb.) :

- pour les biens compris dans le périmètre d'une ZAD :

- à la date de publication de l'acte créant la ZAD si aucun périmètre provisoire n'a été délimité;

- à la date de publication de l'acte délimitant le périmètre provisoire si le bien est situé dans un tel périmètre, ou lorsque l'acte créant la zone est publié dans le délai de validité du périmètre provisoire;

- dans les autres cas à la date du dernier renouvellement de l'acte créant la ZAD;

- pour les biens non compris dans une ZAD :

- lorsqu'il existe un PLU (ou un POS), en matière de DPU et en ENSD  : à la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le POS (ou le PLU) et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien . Il s'agit le plus souvent de la date d'opposabilité du plan en vigueur à la date du jugement,

* Civ. 3°, 31 mai 2000, n° 99-70082, Bull. III n° 119,

* Civ. 3°, 30 mars 2005, n° 03-70041,

mais pas nécessairement  :

* Civ. 3°, 11 oct. 2006, n° 05-13053;

* Civ. 3°, 28 jan. 2009, n° 08-10333, Bull. n° 26;

- en l'absence de plan d'urbanisme (PLU ou POS), pour les ENSD  5 ans avant la DIA (art. L.215-17 C.urb.).

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50 - Solutions particulières :

- lorsqu'un bien est situé dans le périmètre d'une ZAD, l'application d'une date de référence éloignée peut avoir pour conséquence de priver le propriétaire d'une plus-value engendrée par son bien et, partant, de porter une atteinte disproportionnée à son droit de propriété (application de la jurisprudence Motais de Narbonne CEDH du 2 juil 2002, req. n° 48161/99)

-  aucune disposition n'interdit la création d'une ZAD sur les terrains inclus dans une zone de préemption instituée en ENSD.

* CE 3 juil. 1998, Dép. Yvelines, req. N° 126606, Juris-Data n° 050633 ; Cons. et urb. 1998, 391.

Dans ces conditions il pourrait en résulter un conflit de dates de référence dans l'hypothèse où un bien serait soumis concuremment aux deux droits de préemption. Lorsqu'un tel cas se présente il est nécessaire que la collectivité préemptrice détermine précisément la nature du droit qu'elle exerce.

51 - Problème des ZAC : la question de la fixation de la date de référence lorsqu'un bien soumis au DPU ou au droit de préemption en ZAD a entraîné des difficultés d'interprétation lorsque le bien exproprié se situait en outre à l'intérieur du périmètre d'une ZAC dotée d'un plan d'aménagement de zone (PAZ). Aux termes d'un arrêt du 22 juin 2005, la cour de cassation (3° chambre civile, n° 04-70068) a jugé qu'au regard des dispositions de l'article L.213-4 C.urb. le PAZ ne pouvait pas être pris en considération pour la détermination de la date de référence.

Cependant, l'article L.311-7 C.urb. issu de la loi SRU entraînant l'incorporation du PAZ au plan local d'urbanisme dès l'approbation de celui-ci, la date de référence est désormais déterminée par rapport au P.L.U. dans une semblable situation lorsque le bien exproprié est soumis à l'un quelconque des droits de préemption visés à l'article L.213-4 C.urb. (sous condition d'une nouvelle délibération relative à l'instauration du droit de préemption urbain, celui précédemment institué en considération du PAZ ne s'appliquant pas de plein droit lors de l' incorporation de ce plan au PLU – supra n° 10)

* Civ. 3°, 08 juin 2006, n° 05-70071.

3°) Origine de propriété récente (Art. L.322-9 C.expro.)

52 - En l'absence de décision portant transfert de propriété, celui-ci étant constaté (« réitéré »), lors d'une préemption, par acte authentique administratif ou notarié après l'accord des parties ou la fixation judiciaire du prix (Art. L.213-14 et L.142-7 C.urb.), les juridictions du fond ont été souvent réticentes pour appliquer les dispositions de l'article L.322-9 C.expro. au cas où le bien préempté avait fait l'objet d'une mutation antérieure à titre gratuit ou onéreux depuis moins de cinq ans, ce délai s'appréciant à la date du transfert de propriété en matière d'expropriation, c'est-à-dire à la date de l'ordonnance d'expropriation, ce qui rend la transposition du texte assez difficile (voir notamment CA Paris, 08.02.91, Ville de Paris c./Montpezat, AJPI 1991 p.679, obs. Antoine Bernard). La cour de cassation considère qu'en application de l'article L.16-1 C.expro. - art. L.331-2 actuel - les dispositions du code de l'expropriation en matière d'origine de propriété récente le sont également en cas de préemption :

* Civ. 3°, 23 nov. 1994, Ville de Paris c./Sarl Sival, AJPI 1995 p. 595, obs. A.B.

* Civ. 3°, 7 oct. 1998, n° 97-70115, Bull. III n° 196; AJPI 1998 p. 328.

* Civ. 3° 12 mars 2008, n° 07-13049, Bull. III n° 46 (décision prise dans le cadre du délaissement d'un bien situé en emplacement réservé du POS)

Il convient toutefois d'observer que lors de l'instance judiciaire, dès l'instant où la précédente mutation à titre gratuit ou onéreux remontera à moins de cinq ans et que le prix en sera inférieur au montant de l'évaluation domaniale, la juridiction du fond sera tenue d'envisager l'application de l'art. L.322-9 C.expro., tout en étant dans l'impossibilité de savoir si le transfert de propriété interviendra effectivement dans ce même délai de cinq ans.

Dans cette hypothèse elle devra statuer par décision alternative en application de l'art. L.311-8 C.expro., en fixant, s'il y a lieu, deux prix différents selon que le transfert de propriété interviendra ou non dans ledit délai de cinq ans. Il va de soi que s'il existe une forte différence entre ces deux prix, le propriétaire aura tout intérêt à multiplier les procédures dilatoires pour faire échec à l'application de l'art. L.322-9.

d) Influence de certaines règles ou mécanismes sur la détermination des prix

1°) - Influence de l'existence d'un plan d'urbanisme

53 - Compte tenu de la date de référence applicable, l'évaluation du bien interviendra en général en fonction du plan d'urbanisme (PLU - POS) le plus récent, donc par comparaison avec le marché réel des biens ayant la même situation que le bien préempté au regard des règles d'urbanisme, et, le plus souvent, de la desserte par les voies et réseaux divers.

En l'absence de plan d'urbanisme l'évaluation du terrain pourra intervenir sur la base d'un contexte très différent de la situation actuelle, et aboutir à un prix notablement inférieur à celui du marché.

2°) - Marché inexistant dans la zone considérée (Art. L.213-4 et L.215-17 C.urb.)

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54 - A défaut, dans la même zone, de transactions amiables constituant des références suffisantes pour l'évaluation du bien, il pourra être tenu compte des mutations et accords amiables intervenus pour des biens de même qualification situés dans des zones comparables.

Ces dispositions trouvent à s'appliquer de manière prépondérante en cas de gel des transactions dans une ZAD ou une zone de préemption en ENSD.

C'est fréquemment le cas notamment en zones côtières proches du littoral, où du fait d'une politique de préemption systématique poursuivie par le département (notamment), c'est la collectivité publique qui impose son prix. Cependant, ces textes trouvent rapidement leurs limites, car deux zones semblables, l'une en bordure immédiate de mer, en zone de préemption, l'autre en dehors de ce périmètre à l'intérieur des terres, sont peu comparables (en général il s'agit de zones ND, le cas pouvant être assez différent s'il s'agit de zones U ou NA)

Dans de nombreux cas, des propriétaires ayant acquis un terrain de loisirs actuellement situé en ENSD (antérieurement en " périmètre sensible "), à une époque où les collectivités publiques intervenaient peu, pourront être indemnisés, en cas de préemption, à un prix inférieur au prix d'achat.

Dans un cas d'espèce la Cour de cassation a approuvé une cour d'appel qui, ayant constaté que les éléments de référence versés aux débats par les parties et le commissaire du gouvernement n'étaient pas pertinents, « a souverainement décidé que le prix fixé par les vendeurs correspondait à celui du marché local à la date de référence »

* Civ. 3°, 8 sept. 2009, n° 08-12795/12796.

3°) – Commissions des intermédiaires

55 – L'interdiction de toute indemnité accessoire, même de remploi (supra n° 48), ne s'oppose pas toutefois au paiement de la commission due à l'intermédiaire chargé par le propriétaire de la vente, en supplément du prix :

* CA Paris, 09 nov. 1995, comm. Alforville c./Sté civile Roleva, AJPI 1996 p. 220.

* Civ. 3°, 10 mars 1993, n° 90-19578, comm. de Pouilly-les-Nonains c. Sté Dugourd et Game Transaction, GP 1994, somm. Ann. p.12,

* Civ. 3°, 15 juin 2000, Ville de Rennes c./Epx Rifflod, Juris-Data n° 002557, Constr. et urb. (Litec) 2000 p.20,

La commission d'agence n'est toutefois opposable au titulaire du droit de préemption que si elle a été mentionnée dans la DIA (supra n° 28)   :

* Civ. 3°, 10 mars 1993, n° 90-19578, Bull. III n° 36.

et seulement si elle était prévue à la charge de l'acquéreur :

* Civ 1ère, 8 mars 2012, n° 11-10871 - Bull. I n° 46.

Elle n'est pas due non plus si l'acquisition est intervenue après accord amiable intervenu à l'issue de négociations entre les parties, auquel cas elle est sortie du cadre de l'exercice du droit de préemption :

Civ. 3°, 16 déc. 2009, n° 08-16506.

Observation - Rappelons que le contentieux relatif à la commission d'un intermédiaire est de la compétence de la juridiction de droit commun (tribunal judiciaire).

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e) - Faculté de renonciation (" droit de repentir " – Art. L.213-7 et L.215-20 C.urb.)

56 - Pendant toute la durée de la procédure, à défaut d'accord sur le prix et les conditions de la cession, les parties conservent la faculté :

- le bénéficiaire du droit de préemption, de renoncer à l'acquisition,

- le vendeur : de renoncer à l'aliénation (" retrait de D.I.A. ").

* CE 22 fév. 1995, DA 1995, 234 ; JC 95-II p. 1594.

Cette faculté continue de s'exercer après la fixation du prix pendant le délai de deux mois après que la décision juridictionnelle est devenue définitive (Art. L.213-7 C.urb.). Le silence gardé pendant ce délai vaut transfert de propriété et acceptation du prix fixé judiciairement.

f) - Effets de la renonciation à l'acquisition par le titulaire du droit de préemption (Art. L.213-8 et L.215-20 C.urb.)

57 - Si la renonciation intervient (expressément ou implicitement) avant la fixation judiciaire du prix , le propriétaire peut vendre au prix fixé dans la DIA. S'il désire vendre à un autre prix, il a l'obligation de souscrire une autre DIA aux nouvelles conditions sous peine d'encourir l'annulation de la vente dans le délai de cinq ans (supra n° 27).

Si elle intervient après la fixation judiciaire , le propriétaire peut vendre librement, pendant un délai de 5 ans, au prix fixé par la juridiction de l'expropriation, révisé en fonction de l'indice du coût de la construction. Dans les autres cas, la collectivité récupère l'exercice de son droit de préemption (nécessité d'une nouvelle DIA sous peine d'annulation de la vente).

g) - Transfert de propriété - (Art. R.213-12 et R.215-9 C.urb.)

58 – En cas d'acquisition, l'acte (notarié ou administratif) doit intervenir dans le délai de 3 mois suivant (selon le cas) :

- l'accord des parties,

- la date de la décision juridictionnelle définitive,

- la date de l'acte ou du jugement d'adjudication.

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h) – Paiement du prix – (Art. L.213-14 et L.215-20 C.urb.)

59 – Le prix du bien devra être réglé dans les six mois suivant l'une ou l'autre de ces mêmes dates . L'ancien propriétaire conserve la jouissance du bien jusqu'au paiement intégral du prix (Art. L.213-15 et L.142-7 C.urb.).

1°) - Sanction du défaut de paiement du prix

60 - A défaut de paiement du prix dans le délai susvisé, le bien est rétrocédé à la demande du propriétaire, par acte authentique ou sous seing privé selon que la vente a été ou non constatée par acte authentique (Art. L.213-14 C.urb.)

Le propriétaire peut néanmoins poursuivre la réalisation forcée de la vente.

* Civ. 3°, 2 juin 1999, D. 1999 I.R. p.196.

2°) – Retard dans le paiement

61 - Dans une affaire relative au délaissement par les propriétaires d’un bien situé en ZAD, la Cour de Cassation avait déjà décidé dans un arrêt du 1er février 1983 (AFTRP c./ cts Joffre), que l’art. R.13-78 du C.expro. - actuel art.R.323-14 - était applicable et que l’intérêt légal était dû en cas de paiement tardif du prix par le titulaire du droit de préemption, lequel prétendait que la seule sanction applicable consistait en la rétrocession du bien. La même solution semblait devoir s’imposer en cas de préemption et certains auteurs l’admettaient(notamment Bouyssou et Hugot, C. de l'urbanisme Ed. Litec), ce qui a été confirmé par la suite

* Civ. 3°, 14 oct. 1991, n° 90-10314, Ville de Paris c. Baumgartner ès q., G.P. 1992, panor. p. 84.

La jurisprudence administrative était cependant plus réservée, en décidant que le propriétaire n'était pas titulaire d'un droit de créance à l'encontre de l'administration.

* C.E. 3° et 5° ss. 24 juil. 1987.

Mais elle admettait aussi que le retard de paiement entraînait la responsabilité de l'administration, se déclarant ainsi compétente en la matière.

* CAA Paris 15 mars 1994, Dr. Adm. 1994, n° 375.

La question de la compétence en cas de retard dans le paiement du prix est désormais réglée au profit de la juridiction judiciaire

* T.C. 9 déc. 1996, n° 02994, cts Duhamel-Corvisart., AJPI 1997 p. 1097.

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62 - En application de l’article L.324-2 C.expro. et dans la logique des arrêts précités du 01.02.83 et du 14.10.91, l’article L.323-4 du même code relatif à la possibilité de révision du prix faute de règlement de celui-ci dans le délai d’un an devrait également trouver à s’appliquer.

La Cour de cassation semble bien s’être prononcée sur le sujet dans un arrêt du 24 février 1993 rendu à propos d’un « droit de délaissement », en admettant le principe de l’application de l’article L.323-4 C.expro. Mais en l’absence de toute précision quant audit « droit de délaissement », il est difficile de tirer d’autres enseignements de cet arrêt., dès l’instant en effet qu’on ne sait pas de quel type de délaissement il s’agit : délaissement en matière de droit de préemption urbain ou en ZAD (supra n° 2) , délaissement prévu par les articles L.230-1 et suivants C.urb. (supra n° 3 et infra n° 77), ou délaissement de l’art. L.11-7 C.expro. - actuel L.241-1 - (infra n° 80 - Dans ce dernier cas l’application de l’art. L.323-4 C.expro. ne présente aucune difficulté) :

* Civ. 3°, 24 fév. 1993, n° 91-70262.

En revanche, la Cour de cassation a décidé qu’une nouvelle évaluation n’était pas possible dès lors qu’après fixation judiciaire du prix la vente de l’immeuble avait été constatée par acte authentique, sans réserve de la part du vendeur :

* Civ. 3°, 24 oct. 1990, Mme Pares c. Ville de Paris, Bull. III n° 209 ; Dr. Adm. 1991 n° 108, JCP 1990 IV p. 413;

* Civ. 3°, 19 déc. 1990, AJPI 1991 p. 512.

i) – Utilisation des biens préemptés - Rétrocession

1°) – Droit de préemption urbain et ZAD (Art. L.213-11 C.urb.)

63 - Les biens acquis par voie de préemption doivent être utilisés aux fins définies à l'article L.210-1 C.urb. Ils peuvent être cédés à un aménageur répondant aux exigences de l'art. L.300-4 C.urb. (Etablissement public ou société d'économie mixte) ou à une société d'HLM, sous réserve d'une délibération en ce sens du titulaire ou délégataire du droit de préemption.

En cas de revente du bien à d'autres fins dans les cinq ans suivant la préemption, le titulaire du droit de préemption est tenu d'en proposer la rétrocession aux anciens propriétaires ou à leurs ayants cause à titre universel. Les modalités de la rétrocession sont définies par les articles R.213-16 à R.213-20 C.urb. auxquels il convient de se reporter pour plus ample information. Si l'identité du candidat acquéreur a été mentionné dans la DIA, le titulaire du droit de préemption est tenu de lui proposer la rétrocession en cas de renonciation de l'ancien propriétaire ou de ses ayants cause (Art. R.231-19 C.urb.).

Même dans le cas où la rétrocession est obligatoire au regard des dispositions de l'art. L.213-11 C.urb. et qu'un accord a été conclu avec le maire sur le prix, elle ne peut intervenir sans une délibération du conseil municipal (commune de plus de deux mille habitants) :

* Civ. 3°, 16 déc. 2009- n° 08-19023, Bull. III n° 279.

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A défaut d'accord amiable, le prix est fixé par la juridiction de l'expropriation.

L'inobservation de ces obligations ouvre aux personnes intéressées une action en indemnisation contre le titulaire du droit de préemption (Art. L.213-12 C.urb.), sous réserve d'établir l'existence d'un préjudice (la juridiction judiciaire compétente devant être, en principe, celle de droit commun).

* Civ. 3°, 15 déc. 1999, n° 98-10717, Bull. III n° 249.

* Civ. 3°, 08 nov. 2000, n° 98-15921.

L'action se prescrit par cinq ans à compter de la mention de l'affectation ou de l'aliénation du bien au registre ouvert à cet effet (supra n° 18), de sorte que la prescription ne joue pas en cas d'omission de la formalité d'inscription audit registre.

Après expiration du délai de cinq ans susvisé, le titulaire du droit de préemption peut librement disposer du bien préempté.

En cas de délimitation d'un périmètre provisoire de ZAD, les biens acquis par voie de préemption qui n'auront pas été utilisés à l'une des fins prévues par l'article L.210-1 C.urb. et qui ne seront pas compris dans le périmètre de la ZAD – de même si le périmètre provisoire devient caduc faute de création de la ZAD dans le délai de deux ans – devront être rétrocédés à leurs anciens propriétaires ou leurs ayants cause à titre universel (Art. L.212-2-2 C.urb.). Les règles susvisées des articles L.213-11 et R.213-16 à R.213-20 C.urb. sont applicables de même en cette hypothèse.

2°) Espaces naturels sensibles des départements

64 - Les terrains acquis par voie de préemption doivent être aménagés pour être ouverts au public, sauf exception justifiée par la fragilité du milieu naturel (Art. L.215-21 C.urb.). L'ouverture au public doit intervenir dans le délai de dix ans, faute de quoi les anciens propriétaires ou leurs ayants cause à titre universel peuvent en demander la rétrocession dans les trois ans suivant l'expiration du précédent délai (Art. L.215-22 C.urb.). La demande doit être adressée (LR-AR) ou déposée au siège du conseil général (Art. R.215-19 C.urb.).

A défaut d'accord amiable, le prix est fixé par la juridiction de l'expropriation. Il ne peut excéder le montant de la préemption révisé en fonction de l'indice INSEE du coût de la construction.

j) – Situation des occupants

65 – Les acquisitions par voie de préemption sont soumises aux règles de droit commun. Elles peuvent d'ailleurs donner lieu aux actions en dommages intérêts ouvertes en cas d'aliénation volontaire de droit commun. Les droits des occupants de bonne foi ne sont pas modifiés, qu'il s'agisse d'une acquisition par voie de préemption ou à la suite d'un délaissement de la part du propriétaire. Dans l'un ou l'autre cas, lorsque le titulaire du droit de préemption lui a notifié son intention d'acquérir, le propriétaire est tenu d'en informer les locataires, preneurs et occupants de bonne foi, et de les faire connaître au titulaire du droit de préemption (Art. L.213-9 et L. 215-20C.urb.).

Les occupants ne peuvent s'opposer à l'exécution de travaux de restauration ou de transformation intérieure ou à la démolition des locaux. Si l'exécution des travaux l'exige, ils peuvent être tenus de libérer les lieux, auquel cas le titulaire du droit de préemption est tenu aux obligations des article L.314-1 et suivants C.urb. En cas d'éviction définitive, ils bénéficient des dispositions applicables en matière d'expropriation, c'est -à-dire qu'ils peuvent demander à être indemnisés de l'entier préjudice qu'ils subissent, lequel est arbitré par le juge de l'expropriation en cas de désaccord. Ils bénéficient en outre de droits de priorité et de préférence pour l'attribution de locaux d'habitation ou pour l'exercice d'une activité commerciale, artisanale ou industrielle.

Ils peuvent aussi décider à tout moment de quitter les lieux et de résilier leur bail, auquel cas ils peuvent réclamer des indemnités au titulaire du droit de préemption, notamment à raison des améliorations apportées au fond loué, lesdites indemnités arbitrées par le juge de l'expropriation en cas de désaccord (Art. L.213-10 et L.215-20 C.urb.).

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66 - En cas de déclaration d'utilité publique, l'exercice du droit de préemption produit les mêmes effets qu'une ordonnance d'expropriation si le titulaire de ce droit est aussi le bénéficiaire de la D.U.P. (Art. L.213-5 C.urb.), c'est-à-dire qu'il entraîne l'extinction immédiate de tous droits réels ou personnels existant sur les immeubles préemptés, dans les conditions prévues par l'article L.222-2 C.expro.

Par voie de conséquence, les titulaires de droit ainsi expropriés ou évincés peuvent prétendre à l'indemnisation de leur préjudice, celui-ci étant fixé par le juge de l'expropriation en cas de désaccord avec le titulaire du droit de préemption. Comme le propriétaire des biens préemptés, ils conservent la jouissance de leurs droits jusqu'à leur entière indemnisation (art. L.231-1 C.expro.).

k) – Offres de délaissement

67 - Le même mécanisme de fixation judiciaire du prix s'applique en matière de " délaissement " (offre d'acquérir par le propriétaire), en application des articles L.211-5 (D.P.U.) et L.212-3 (ZAD) du C.urb. L'obligation de consigner existe également en cas de délaissement (Art. L.213-5 C.urb.) à défaut de quoi le titulaire du droit de préemption est réputé y avoir renoncé.

La jurisprudence a toutefois refusé au propriétaire le droit de renoncer à la vente en cas de délaissement d'un bien situé dans le périmètre d'une ZAD créée avant le 01.06.87, au motif que l'art. L.212-3 C.urb. dans sa rédaction antérieure à la loi du 18.07.85 ne prévoyait pas une telle faculté de retrait de D.I.A.

* Civ. 3° , 8 juillet 1998, n° 97-70121, Mme Simone Fontaine c. District urbain de l'agglomération rennaise.

Cette jurisprudence apparaît transposable en matière de délaissement en ZAD et en matière de D.P.U., puisque les textes susvisés (L.211-5 et L.212-3) qui fondent le droit de délaissement ne prévoient pas de faculté de renonciation de la part du propriétaire>(cf. supra n° 25)

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l) - Dispositions particulières aux périmètres de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité

1°) - Obligations des vendeurs

68 - En cas de cession d’un fonds ou droit de bail situé à l’intérieur d’un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité, une déclaration préalable (équivalent de la DIA) est établie sur un formulaire prévu à cet effet doit être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception au maire de la commune de situation du bien (art. R.214-4 C.urb.). En cas de vente par adjudication, la DIA est établie et adressée dans les mêmes formes au commissaire-priseur judiciaire, au greffier ou au notaire chargé de procéder à la vente, 30 jours au moins avant la date prévue pour celle-ci. Dans ce cas le droit de préemption s’exerce par substitution à l’adjudicataire dans le délai de 30 jours à compter de l’adjudication, aux prix et conditions de la dernière enchère. La décision du titulaire du droit de préemption est notifiée par lettre recommandée à la personne chargée de la vente qui en informe l’adjudicataire, est annexée au jugement ou à l'acte d'adjudication et publiée en même temps que celui-ci (art. R.214-7 C.urb.).
La formalité est prescrite à peine de nullité de la vente, l’action se prescrivant par 5 ans et étant portée le cas échéant devant le tribunal de grande instance du lieu de situation du fonds ou de l’immeuble dans lequel sont situés les locaux loués (art. L.214-1 et R.214-10 C.urb.)

2°) - Modalités d'exercice du droit de préemption

69 - Le délai pour préempter est de deux mois à compter de la réception de la déclaration préalable. En cas de préemption, le titulaire du droit notifie au cédant (LR-AR)  soit sa décision de préempter aux prix et conditions indiquées dans la déclaration, soit son offre d’acquérir aux prix et conditions fixées judiciairement, soit sa décision de renoncer au droit de préemption (art. R.214-5 C.urb.), le silence gardé par le titulaire du droit valant renonciation, auquel cas la vente peut avoir lieu librement aux prix et conditions fixées dans la déclaration préalable.

3°) - Fixation judiciaire du prix

70 - A défaut d’accord le prix est fixé par la juridiction de l’expropriation. Le juge est saisi par le titulaire du droit de préemption dans le délai de deux mois suivant la réception de la déclaration préalable du cédant. La requête est adressée au secrétariat du juge par lettre recommandée avec avis de réception, accompagnée d’une copie en double exemplaire du mémoire de la commune. La lettre de saisine et le mémoire sont simultanément notifiés au cédant, et le cas échéant au bailleur (art. R.214-6 C.urb.).
Les dispositions du code de l’expropriation sont évidemment applicables (art. L16-1 et R.16-1 C.expro.), par exemple celles relatives à l’origine de propriété récente, ainsi que celles des articles L.213-4 à L.213-7 C.urb.  relatives aux droits de préemption, savoir, principalement :

- la date de référence (art. L.214-4) ;
- l’obligation de consigner 15% du montant de l’estimation faite par l’administration fiscale et de notifier le récépissé de consignation au juge et au propriétaire, cela dans les 3 mois de la saisine du juge (art. L.213-4-1) ;
- les facultés de renoncer à la vente pour le cédant ou à l’acquisition pour la collectivité (art. L.213-7).

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4°) - Paiement du prix

71 - L’acte constatant la cession doit intervenir dans le délai de trois mois suivant la notification de l’accord sur le prix et les conditions indiquées dans la déclaration préalable (ou d’un accord postérieur), ou de la décision judiciaire en fixation du prix ou de l’acte ou du jugement d’adjudication. Le prix doit être payé au moment de l’établissement de l’acte constatant la cession (art. R.214-9 C.urb.).

5°) - Utilisation du bien acquis par voie de préemption

72 - Le bien est destiné à être rétrocédé. Il doit l’être dans le délai d’un an à compter de la prise d’effet de la cession, le cessionnaire devant être inscrit au registre du commerce ou au répertoire des métiers. Les textes prévoient des modalités particulières (institution d’un cahier des charges, appel d’offre, mesures de publicité, intervention du bailleur et du conseil municipal etc.) – art. L.214-2 et L.214-3, R.214-3 à R.214-9 C.urb.
A défaut de rétrocession dans ce délai, l’acquéreur évincé bénéficie d’un droit de priorité d’acquisition à condition que son nom ait été mentionné dans la déclaration préalable.
Cette procédure paraît assez délicate à mettre en œuvre et il est peu probable qu’elle connaisse de nombreuses applications, sauf dans des situations particulières.

4 - Détournement de l'objet du DPU

73 - Lorsqu'un bien est utilisé à d'autres fins que celles prévues par l'art. L.210-1 C.urb., la collectivité ayant exercé son droit de préemption peut être condamnée à réparer le préjudice subi par les propriétaires (perte de cha,nce) :

* CA PARIS, 8 déc. 2017, n° 16/03270.

Par ailleurs les communes ont fréquemment fait usage du DPU pour faire pression sur le marché ou chasser de leur territoire certains investisseurs jugés indésirables, parfois même de manière caricaturale (préemption à 50 % ou moins de la valeur du marché), occasionnant des préjudices importants, notamment à des propriétaires modestes, alors qu'elles ne poursuivaient aucun objectif réel d'utilité publique et que leurs décisions étaient illégales (très nombreuses décisions en ce sens des juridictions administratives). Voir notamment l'étude " Les difficultés propres au droit de préemption " par Daniel Chausse in AJPI 1992 p. 440.

L'instauration de l'obligation de consigner 15 % de l'évaluation administrative a précisément été destinée à lutter contre de telles pratiques fréquemment dénoncées par la doctrine et la presse spécialisée ou non. Mais le dispositif a souvent été jugé insuffisant par la doctrine eu égard au taux de 15 % retenu, alors en outre qu'en réalité la consignation n'atteint pas 10 % de la valeur vénale réelle du bien compte tenu de la faiblesse de l'évaluation faite par l'administration fiscale, et l'actualité résonne encore régulièrement dans les media de semblables pratiques.

Les juridictions administratives sanctionnent fréquemment les préemptions irrégulières (souvent pour des motivations inexactes ou insuffisantes, ou l'absence de motivation). - Voir sur ce point l'étude du 6 décembre 2007 du Conseil d'Etat (La documentation française; « Les études du Conseil d'Etat », Paris, 2008). Cependant, en cas d'annulation de la décision de préemption les indemnités allouées sont généralement modérées.

De telles pratiques irrégulières ont fait l’objet de reportages parfois importants dans la presse écrite et audiovisuelle, et il est quelquefois assez déconcertant de voir des maires avouer sans aucun complexe pratiquer de façon habituelle de tels détournements.

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74 - Il peut être intéressant de signaler deux arrêts assez récents de la Cour de cassation rendus à propos des pratiques frauduleuses des communes en matière d’exercice du droit de préemption.

Dans une première affaire, la cour d’appel de Grenoble (arrêt du 8 novembre 2006) , statuant en matière pénale a confirmé un jugement du tribunal correctionnel ayant condamné le maire de la commune de Charvieu-Chavagneux sur le fondement des articles 225-1 et 432-7-1° du code pénal, sous la prévention de discrimination opérée entre des personnes physiques en raison de leur origine par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, dans l’exercice de ses fonctions, pour avoir, en détournant le droit de préemption urbain de son objet, fait échec à la vente d’une maison d’habitation au profit d’un acheteur d’origine maghrébine, empêchant ainsi celui-ci de s’installer sur le territoire de la commune. La manœuvre aurait consisté, selon les faits relevés par l’arrêt, à prendre un arrêté de préemption en offrant un prix inférieur d’un quart environ à celui du compromis passé, sur la base d’un faux motif reposant sur un projet hypothétique alors en outre que l’immeuble préempté était inadapté pour un tel projet.

La cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour de Grenoble en raison de l’inapplicabilité de l’article 432-7 du code pénal aux faits de l’espèce, s’agissant d’un texte de droit pénal, donc d’application stricte, et « … qu’en se déterminant ainsi, alors que l’exercice d’un droit de préemption, fût-il abusif, ne saurait constituer le refus du bénéfice d’un droit accordé par la loi au sens de l’article 432-7 du code pénal… » :

* Crim., 17 juin 2008, n° 07-81666, B.Crim. n° 148.

75 - Dans une autre affaire (réf. ci-dessous)  l’action était engagée aux fins d’annulation d’une promesse de vente du 7 février 1991 et des actes de vente subséquents en invoquant une fraude à la loi et des manœuvres illicites de la commune de Saint-Julien-en-Genevois, titulaire du droit de préemption. Selon la relation des faits, à la suite d’un compromis passé entre des propriétaires de terrains et une SCI, la commune avait exercé son droit de préemption, après quoi les vendeurs avaient passé une promesse rectificative restreignant d’une part l’étendue du projet initial et prévoyant d’autre part la cession gratuite d’une surface de 2433 m2 , excédant les 10% du terrain d’assiette de la future construction, au profit de la commune en vue de la création d’espaces verts publics. Les auteurs du pourvoi prétendaient que la commune avait utilisé son droit de préemption dans le seul but de faire pression sur les vendeurs en vue d’obtenir la cession gratuite d’une surface importante du terrain. La cour d’appel de Chambéry a rejeté leurs demandes par arrêt du 30 avril 2007, au motif qu’à la date où l’accord sur la réduction de la surface vendue et la cession gratuite à la commune étaient intervenus entre les vendeurs, la SCI et la commune, aucune demande de permis n’avait été déposée, de sorte que les dispositions de l’article R.332-15 (*) du code de l’urbanisme ne trouvait pas à s’appliquer.

Note(2) : disposition qui prévoyait la cession gratuite des 10% de la surface du terrain faisant l’objet de la demande de permis, dans sa rédaction antérieur à l’application du décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007).

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel aux motifs « qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la fraude ne consistait pas dans le fait d’avoir subordonné le non-exercice du droit de préemption sur les terrains vendus pour la réalisation d’une opération immobilière à la cession gratuite, en vue de la création d’espaces verts publics, de plus de dix pour cent des terrains concernés, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».

* Civ 3°,2 déc. 2008, n° 07-17218,

D - DROIT DE PRIORITE

a) - Champ d'application

76 - Il est créé en faveur des communes et EPCI titulaires du droit de préemption urbain (cf supra n° 7), et s'applique en cas de cession d'immeubles ou de droits sociaux donnant vocation à l'attribution en propriété ou en jouissance d'immeubles ou parties d'immeuble cédés par l'Etat ou les sociétés dans lesquelles il détient la majorité du capital social, Réseau ferré de France et la SNCF, Voies navigables de France et divers autres établissements publics (Art. L.240-1 C.urb.), exceptions faites des cessions sous condition de maintien dans les lieux d'un service public pour une durée minimale de trois ans, et des immeubles cédés en vue de réaliser des opérations nationales à l'intérieur des périmètres devant être délimités par décret en application du deuxième alinéa de l'article 1er de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 (Art. 240-2 C.urb.).

Il peut être délégué par une commune à un EPCI qui n'a pas reçu compétence pour l'établissement des documents d'urbanisme et la création de ZAC (supra n° 9), à l'Etat, une collectivité locale, un aménageur (établissement public ou une société d'économie mixte).

b) - Mise en œuvre (Art. L.240-3 C.urb.)

77 - L'Etat ou la société propriétaire notifient au bénéficiaire du droit de priorité (DP) leur intention d'aliéner leurs biens et en indiquent le prix de vente préalablement estimé par le directeur des services fiscaux (Domaine).

Le bénéficiaire du D.P. dispose d'un délai de deux mois pour faire connaître sa décision d'acquérir les biens au prix proposé ou demander une réduction du prix.

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78 - A défaut d'accord, le bénéficiaire du D.P. peut saisir le juge de l'expropriation en fixation du prix, dans les quinze jours suivant la réponse du vendeur. Ce prix est fixé comme en matière d'expropriation et est exclusif de toute indemnité accessoire (cf. supra, n° 46 à 48). L'article L.240-3 C.urb. ne prévoit pas d’autre restriction dans l'application des dispositions du code de l'expropriation auquel il renvoie pour la procédure et pour le fond, conformément aux articles L.331-2 et R.311-31 C.expro. Pour autant, il convient d'observer que les textes relatifs au droit de priorité ne prévoient pas de date de référence, de sorte que l'application des dispositions de l'article L.322-3 C.expro. peut être problématique. Plusieurs solutions peuvent être envisagées.

L'article L.230-1 nouvellement créé prévoyant que le droit de priorité est établi en faveur des communes et EPCI titulaires du droit de préemption urbain, on pourrait supposer que l'existence de ce droit est restreinte aux zones urbaines ou à urbaniser dans lesquelles le DPU a été institué. Ce n'est cependant pas ce qu'indique expressément la loi, et il peut sembler hasardeux de conclure en ce sens. En toute hypothèse, en admettant que ce soit le cas, il convient de rappeler que l'application du droit de priorité par l'établissement d'une déclaration d'intention d'aliéner entraîne l'exclusion du droit de préemption urbain même lorsque les biens sont situés dans un périmètre soumis au DPU (Art. L.211-3 C.urb. rétabli par la loi n° 2006-872 du 13 juil. 2006). Dans ces conditions, il semble difficile d'appliquer la date de référence prévue en matière de DPU (supra n° 49).

Il semble donc que deux solutions seulement restent envisageables : la juridiction devra choisir soit de ne pas appliquer les dispositions de l'article L.322-3 du C.expro., étant dans l'impossibilité, faute de date de référence, de se prononcer sur la qualification à bâtir du terrain, ce qui paraît à la fois le plus simple et le plus conforme au droit, le juge judiciaire n'ayant pas à combler un vide juridique, soit de les appliquer en se situant, pour déterminer la qualification du terrain, à la date du jugement de première instance.

On peut aussi s'interroger sur l'application de l'article L.322-9 (origine de propriété récente – supra n° 52 ), dans semblable circonstance, dont les dispositions d'ordre public n'apparaissent pas spécialement adaptées à ce type de contentieux.

79 – En cas d’acquisition le prix doit être réglé ensuite dans les six mois.

- Faculté de renonciation : le vendeur a la possibilité de retirer le bien de la vente. Dans le cas contraire, le bénéficiaire du D.P. dispose d'une délai de deux mois suivant la décision juridictionnelle devenue définitive pour décider d'acquérir le bien aux conditions fixées par le juge, le défaut de réponse dans ce délai valant renonciation.

80 - En cas de refus d'acquérir, d'absence de saisine de la juridiction, ou de renonciation à l'acquisition aux conditions fixées par le juge, le vendeur peut librement poursuivre l'aliénation.

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81 - Le bénéficiaire du D.P. recouvre son droit si le propriétaire décide de vendre à un prix inférieur à celui initialement proposé ou à celui fixé par le juge, ou si les biens n'ont pas été aliénés dans les trois ans suivant la notification de la DIA ou la décision juridictionnelle devenue définitive.

E - DROITS DE DELAISSEMENT

82 – Le régime de ces droits, unifié par la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, est désormais réglé par le Titre III du Livre Deuxième du code de l'urbanisme. Ils ne doivent pas être confondus avec les possibilités de délaissement offertes aux propriétaires de biens soumis au droit de préemption urbain ou au droit de préemption en ZAD (supra n° 24 et 67), même s'il existe de nombreuses ressemblances entre les deux catégories.

1 – Cas d'application

a) - Cas prévus par le code de l'urbanisme

83 – Les droits de délaissement sont pour l'essentiel répertoriés par l'art. L.230-1 C.urb. Il s'agit des cas suivants, dans lesquels le propriétaire n'a plus la libre disposition de son bien, dont il est le plus souvent menacé d'être dépossédé à terme (voir en outre les cas visés au § c) ci-après)  :

- Art. L.424-1 C.urb. : propriétaires s'étant vu opposer un refus d'autorisation de construire en vertu d'une décision de sursis à statuer suivants les cas prévus au même article et par les dispositions de l'article L.102-13;

- Art. L.151-41 et L.152-2 C.urb. : terrains situés en zone urbaine ou à urbaniser du PLU affectés par une servitude les rendant temporairement inconstructibles dans l'attente de l'approbation d'un projet d'aménagement, un emplacement réservé pour certains programmes de logement, des voies et ouvrages publics ou des espaces verts. Les propriétaires de terrains réservés au plan d'occupation des sols (ancien Art. L.123-9 C.urb.) ont bénéficié de la même possibilité de délaissement, dans des conditions similaires, mais les POS qui n'ont pas été mis en forme de PLU sont caducs à compter du 31 décembre 2015 (art. L.174-1 C.urb. - Ord. n° 2015-1174 du 23 sept. 2015), sous réserve des dispositions de l'art. L.174-2 C.urb..

- Art. L.311-2 C.urb. : terrains compris dans une zone d'aménagement concerté (ZAC), à compter de la publication de l'acte créant la zone.

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84 – Le code de l'urbanisme (Art. L.322-6) prévoit en outre la possibilité de délaissement au bénéfice des propriétaires de terrains compris dans le périmètre d'une association foncière urbaine autorisée (AFU) n'ayant pas adhéré à l'association, et des propriétaires d'immeubles compris dans le périmètre syndical d'une association foncière urbaine de remembrement ( Art. R.322-6 et s. C.urb.).

Le droit ne peut être exercé que dans le délai d'un mois suivant la publication de la décision administrative (arrêté préfectoral) autorisant l'association ou constatant que le projet est compatible avec la réglementation d'urbanisme et que les formalités prévues ont été accomplies, selon le type d'AFU. A défaut d'accord amiable, l'indemnité est fixée comme en matière d'expropriation (Art. L.331-2 et R.331-31 C.expro. – supra n° 46 et 47), mais aucune date de référence n’est prévue.

Cette question ne fera pas l’objet de plus amples développements dans le cadre de la présente étude.

b) - Terrains compris dans une opération ayant fait l'objet d'une D.U.P. (Art. L.241-1 C.expro.)

85 – Le droit de délaissement est rarement utilisé. Les propriétaires attendent généralement les offres de l'expropriant faites avant ou après l'ordonnance d'expropriation et ne prennent pas l'initiative d'une action judiciaire. Il ne être exercé qu'après l'écoulement d'un délai d'un an suivant la publication de l'acte portant déclaration d'utilité publique. Le mode opératoire est réglé par l'article L.241-1 C.expro. complété par l’art. R.241-1, et son mécanisme est semblable à celui des autres cas de délaissement, mais diffère en ce qui concerne les délais.

Selon un arrêt récent de la Cour de cassation pris sous l'empire de l'art. L.11-7 C.expro. - art. L.241- actuel - la demande de délaissement devient sans objet dès lors que l'expropriant a renoncé expressément à l'expropriation antérieurement à la fixation du prix et au transfert de propriété (outre que l'arrêté de cessibilité n'était pas intervenu) :

* Civ. 3°, 13 fév. 2008, n° 06-21202, Bull. III n° 26.

c) – Autres cas

1°) - Immeubles affectés par la création d'un aéroport de catégorie A

86 – L'article 155 de la loi n° 2002- du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a complété le dispositif relatif aux nuisances causées par la proximité des aéroports (Art. 112-3 et suivants, R.112-1 et suivants C.urb.) en créant un nouveau droit de délaissement, en cas de réalisation d'un nouvel aéroport de catégorie A (selon la définition du Code de l'aviation civile), au profit des propriétaires d'immeubles liés à l'habitation ou servant à des activités en lien immédiat avec les habitants, situés à l'intérieur d'un périmètre délimité par décret en Conseil d'Etat. La loi renvoie pour les modalités d'application aux articles L.230-1 et suivants C.urb. comme pour les autres cas prévus au code de l'urbanisme. Le droit de délaissement s'applique à compter de la parution du décret susvisé, mais s'éteint à l'expiration du délai de deux ans suivant l'ouverture de l'aérodrome à la circulation aérienne publique.

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2°) – Servitudes d’utilité publique liées aux risques technologiques et naturels

87 – Ces servitudes peuvent être instituées en application du code de l’environnement, soit de l’article L.211-12, en vue de la création de zones de rétention temporaire des eaux de crues ou de ruissellement, de la création ou de la restauration des zones de mobilité du lit mineur d’un cours d’eau, soit des articles L.515-16 et suivants à l’intérieur des périmètres d’exposition à des risques technologiques graves.

Dans le premier cas, les servitudes sont instaurées à la demande de l’Etat, des collectivités locales ou de leurs groupements et le droit de délaissement est lui-même instauré de plein droit dans les zones soumises à de telles servitudes. Le droit de délaissement ne peut être exercé que pendant une durée de dix ans suivant la date de publication de l’arrêté préfectoral constatant l’achèvement des travaux rendus nécessaires par la servitude, ou à défaut de nécessité de tels travaux, à compter de la publication de l’arrêté instituant l’une des servitudes prévues par l’art. L.211-12 C.environ. Le droit de délaissement peut aussi être exercé sur des parcelles non grevées par la servitude si celle-ci compromet leur exploitation ou leur usage par rapport à la situation antérieure à son instauration. Il y a lieu de relever que l’ instauration de ces servitudes ouvre aux propriétaires des terrains qui y sont soumis un droit à la réparation du préjudice qui en découle, les indemnités étant fixées à défaut d’accord amiable par le juge de l’expropriation (art. L.515-11 C.environ.).

Dans le deuxième cas, le droit de délaissement peut être instauré par les communes ou les EPCI compétents dans des secteurs situés à l’intérieur des zones délimitées par les plans de prévention des risques technologiques élaborés par l’Etat. Ce droit de délaissement est ouvert pendant une durée de six ans à compter de la date de signature de la convention mentionnée au II de l'article L.515-19-1 ou de la mise en place de la répartition par défaut des contributions prévues à l'article 515-19-2, ou, si cette date est antérieure au 23 octobre 2015, jusqu'au 23 octobre 2021 (art. 515-16-3 C.environn.).

Dans l’un et l’autre cas les textes renvoient pour les modalités d’exécution aux dispositions des articles L.230-1 et suivants C.urb., et ne prévoient pas de date de référence, ce qui est susceptible d’occasionner des difficultés lors de la fixation des indemnités par la juridiction de l’expropriation (supra n° 46 et 47), en l’absence de plan d’urbanisme.

Rappelons que dans les zones ainsi créées les communes ou EPCI compétents peuvent instaurer le droit de préemption urbain (art. L.515-16-1 C.environn.), ce qui ouvre une autre possibilité de délaissement (toutefois nettement moins intéressante) aux propriétaires des terrains qui y sont soumis. Sur le plan de la technique ou tactique juridique, les propriétaires de terrains qui feraient l’objet d’une préemption auraient tout intérêt à retirer leur DIA et à effectuer une mise en demeure d’acquérir sur la base des art. L.211-12 ou L.515-16 C.env. qui permettent une meilleure indemnisation, les indemnités accessoires, notamment de remploi,  étant dues dans de telles situations.

Ces situations ne feront pas l’objet de plus amples développements dans le cadre de la présente étude (on peut toutefois se reporter utilement aux numéros 82 et suivants pour plus d’informations relatives notamment à l’application des articles L.230-1 et suivants C.urb.).

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2 - Mise en demeure d'acquérir

88 – Dans les différents cas il ne s'agit plus, comme en matière de DPU ou de ZAD, d'une offre de délaissement, mais d'une mise en demeure (MDA) qui a généralement un caractère plus contraignant pour la collectivité, et dont les effets sont plus radicaux, notamment pour les personnes autres que le propriétaire qui détiennent des droits réels ou personnels sur les biens faisant l'objet de la mise en demeure.

Dans le passé, les cas les plus nombreux de délaissement ont été sans aucun doute relatifs aux emplacements réservés au POS, en application de l'art. L.123-9 C.urb. dans sa rédaction antérieure à la loi SRU. La jurisprudence est intervenue pour préciser un certain nombre de points laissés sans solution évidente par les textes, et la législation a été adaptée successivement à mesure qu'apparaissaient les difficultés. Les réserves – rares cependant - existaient déjà dans les plans d'urbanisme anciens, antérieurement aux POS. Avec l'apparition et la généralisation des POS à partir des années 1980, les emplacements réservés ont été regardés comme un moyen efficace de geler les terrains devant servir dans l'avenir à la réalisation de voies nouvelles, d'équipements et d'espaces verts, même à assez long terme, et l'article L.123-1 § 8° ancien a été généreusement appliqué, de nombreux terrains étant ainsi frappés d'une servitude les rendant inconstructibles (Art. R.123-32, 1° alinéa, sauf à titre exceptionnel les constructions à caractère précaire – Art. L.423-1 C.urb.), les propriétaires de maisons d'habitations frappées par un emplacement réservé ne pouvant plus agrandir ou adapter leurs constructions qui devenaient en outre totalement invendables. Même lorsque des projets étaient notoirement abandonnés en raison de changements de perspectives (souvent après des élections locales et des changements d’équipes dirigeantes), ou de prévisions ou projections se révélant inexactes pour toutes sortes de causes, liées notamment à des migrations de population, il n'était pas rare que les communes négligent de supprimer les emplacement réservés, d'autant que cette suppression ne pouvait intervenir que lors d'une modification ou de la révision du POS, ce qui nécessitait un temps relativement long.

Au bout de quelques années, les bénéficiaires d'emplacements réservés ont eu à faire face à une multitude de délaissements de la part de propriétaires excédés ou opportunistes, et les collectivités publiques, les communes notamment, ont été fréquemment contraintes d'acquérir des immeubles dont elles n'avaient plus l'utilisation, ou d'immobiliser immédiatement des fonds pour des équipements programmés assez loin dans le futur, et la jurisprudence veillait à ce que la loi soit appliquée sans échappatoire possible, et à ce que les propriétaires soient indemnisés intégralement de leur préjudice, comme en matière d'expropriation, au moyen d'indemnités accessoires. Les communes ont dû alors faire preuve d'imagination pour éviter de grever anormalement leur budget en négociant avec les propriétaires la renonciation à leur MDA contre l'engagement exprès d'une mainlevée de la réserve, souvent accompagnée d'autres avantages, tels que le reclassement de certains biens dans des zones plus valorisantes, lors de la plus prochaine modification du plan d'occupation des sols.

La loi est venue d'une part rendre plus facile la levée des emplacements réservés lors d'une procédure simplifiée de modification du POS (étant rappelé que la création d'emplacements réservés ne pouvait intervenir que lors de la publication ou de la révision d'un POS), mais uniquement lorsque le bénéficiaire de la réserve était une commune ou un EPCI (Art. L.123-4 ancien C.urb. – voir notamment * Civ. 3°, 17.07.97, n° 96-70144, Bull. III n° 171), et d'autre part faire bénéficier les propriétaires de mesures plus équitables en alignant leur sort sur celui des expropriés, notamment en leur permettant expressément de requérir l'emprise totale dans le cas d'un terrain partiellement réservé, dans les conditions prévues par les art. L.242-1 à L.242-7 C.expro.(actuellement L.241-1 à L.241-3), la jurisprudence complétant le dispositif en consacrant le principe de l'indemnisation de la dépréciation du surplus non acquis par le bénéficiaire de la réserve.

* Civ. 3°, 19 fév. 1992,  n° 90-70092, Bull. III n° 52.

Mais en cas de levée de la réserve lors d’une modification du POS, la MDA devenait inopérante :

* Civ. 3°, 5 déc. 1990, n° 89-70294, Bull. III n° 259;

* Civ. 3°, 4 déc. 1996, n° 95-70185.

L'historique n'est pas sans intérêt, car il peut permettre de mieux cerner les mécanismes des droits de délaissement, notamment lorsqu'il s'agit des emplacements réservés ou des terrains subissant des servitudes les rendant temporairement inconstructibles.

Il convient de relever que l’art. L.123-9 ancien C.urb. (rédaction antérieure à la loi SRU), a fait l’objet d’une Q.P.C. (Question Prioritaire de Constitutionnalité), au motif allégué par le plaideur que cette disposition ne prévoyait pas de droit de rétrocession en cas d’absence d’utilisation du bien par le bénéficiaire de l’emplacement réservé. Le Conseil constitutionnel a jugé cet article conforme à la Constitution.

* C.Const. 11 juin 2013, n° 2013-325 QPC

On pourrait considérer, nous semble-t-il, que la décision du Conseil est transposable au nouvel article L.123-17 C.urb. relatif au délaissement des terrains situés en emplacement institué par un PLU.

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a) - Cas général (Art. L.230-1 à L.230-6 C.urb.)

1°) – Formes

89 - Les dispositions issues de la loi SRU sont peu précises quant au formalisme applicable en matière de délaissement, et pour l’instant aucun dispositif réglementaire ne semble être venu compléter les art. L.230-1 à L.230-6 C.urb. Il en est de même en ce qui concerne les délaissements de l'article 155 de la loi du 27 février 2002 – (aéroports) et ceux des articles L.211-12 et L.515-16 C.env. qui obéissent au même régime du code de l’urbanisme (c’est aussi le cas pour ceux de l'article L.322-6 C.urb. relatif aux AFU pour lesquels aucune modalité n’est précisée).

Selon l’art. L.230-1 C.urb. la mise en demeure doit être adressée à la mairie de la commune où se situe le bien. Le propriétaire doit dénoncer dans la MDA « les fermiers, locataires, ceux qui ont des droits d'emphytéose, d'habitation ou d'usage et ceux qui peuvent réclamer des servitudes  ». Les autres intéressés sont mis en demeure de faire valoir leurs droits par publicité collective à l’initiative de la collectivité ou du service public qui fait l’objet de la mise en demeure, et sont tenus de se faire connaître dans le délai de deux mois, faute de quoi ils perdent tout droit à indemnité. Ces modalités figurent également dans l’art. L.123-9 C.urb. dans sa rédaction en vigueur avant la loi SRU à propos des emplacements réservés.

Est irrecevable la mise en demeure adressée à la société d’équipement chargée de l’aménagement d’une ZAC et non au maire du lieu de situation de l’immeuble :

* Civ. 3°, 9 juin 1999, n° 98-70145, Bull. III n° 140 ; AJDI 1999 p.1029, obs. M. Huygue ; AJDI 2000 p. 1037, obs. A. Lévy ;

Ces dispositions reprennent exactement celles des articles L.311-2 et L.311-3 C.expro., et il n’apparaît pas faire de doute que la jurisprudence applicable en la matière, selon laquelle les titulaires de droits personnels ou réels sont déchus de tout droit à indemnités s’ils ne sont pas dénoncés par le propriétaire, le soit également en matière de délaissement
(voir la page « Fixation des indemnités d’expropriation - Principes d'évaluation », n° 27 et suivants).

90 - Les textes antérieurs applicables en matière de plan d'occupation des sols réglaient les modalités des délaissements prévus par l'art. L.123-9 (emplacements réservés) qui s'appliquait aussi pour les délaissements autorisés par l'art. L.111-11 en cas sursis à statuer en application des art. L.111-9 et L.111-10, et les délaissements de terrains situés en ZAC.

Aux termes de l'art. R.123-32 ancien C.urb. la MDA doit être adressée au maire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou déposée contre décharge. La demande précise l'identité et l'adresse du propriétaire, les éléments permettant d'identifier l'emplacement réservé, la situation et la superficie du terrain ainsi que l'identité des personnes visées au troisième alinéa de l'art. L.123-9 (voir supra n° 83). Dans les huit jours le maire transmet la demande à la collectivité ou au service public bénéficiaire de la réserve (ou de la servitude etc…, selon le cas). La publicité collective comporte au moins un avis publié durant un mois par voie d’affichage sur le lieu ou à proximité du bien, visible de la voie publique. Cet avis est inséré dans un des journaux diffusés dans le département et doit préciser, caractères apparents que les personnes intéressées autres que le propriétaire, l’usufruitier, les fermiers, les locataires, ceux qui ont des droits d’emphytéose, d’habitation ou d’usage et ceux qui peuvent réclamer des servitudes sont tenus de se faire connaître au bénéficiaire de la réserve (ou de la servitude etc…)dans un délai de deux mois à défaut de quoi elles seront déchues de tous droits à l’indemnité.

Ces dispositions sont à rapprocher de celles de l’article R.311-2 C.expro. pris pour l’application de l’article L.311-3 dudit code.

91 – En cas de transmission par décès d’un terrain pouvant faire l’objet d’un délaissement, les ayants droit du propriétaire décédé peuvent, sous diverses conditions (Art. L.230-2 C.urb.) bénéficier d’un sursis pour le paiement des droits de mutation.

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2°) - Délai de négociation

92 – La collectivité ou le service public mis en demeure dispose d’un délai d’un an à compter de la réception en mairie de la MDA pour se prononcer. A défaut d’accord amiable dans ce délai il peut être procédé à la fixation judiciaire du prix. Celui-ci est fixé comme en matière d’expropriation (Art. L.230-3 C.urb. ; supra n° 46)), sans qu’il soit tenu compte des dispositions qui ont justifié le droit de délaissement (de la dévalorisation pouvant être causée par les nuisances dans le cas de création d’un aéroport – Art 155 L. 2002-276 du 27.02.2002).

En cas d’accord amiable le prix doit être payé au plus tard deux ans après réception en mairie de la MDA.

93 – Dans les cas des terrains mentionnés aux articles L.123-2 et L.123-17 C.urb. (de même que pour les terrains réservés au POS en application de l’art. L.123-9 ancien C.urb.), faute de saisine de la juridiction de l’expropriation dans le délai de trois mois suivant l’expiration du délai de négociation d’un an, les limitations au droit de construire et la réserve ne sont plus opposables au propriétaire (Art. L.230-4 C.urb. ; Art. L.123-9 ancien C.urb.).

Dans le cas des terrains réservés au P.O.S. l’art. L.123-9 ancien C.urb. prévoit que l’effet ne se produit qu’un mois après mise en demeure de procéder à la levée de la réserve adressée à l’autorité compétente par le propriétaire, l’art. R.123-32 ancien C.urb. précisant les conditions de forme de cette mise en demeure (LR-AR adressée ou déposée en mairie au maire du lieu de situation du bien contre décharge, le maire en transmettant copie au bénéficiaire de la réserve ainsi qu’à divers autres autorités, notamment à celles chargées de l’élaboration et de la modification des POS.

Selon les nouvelles dispositions du code de l’urbanisme, un tel effet intervient de droit à l’issue du délai susvisé de trois mois.

94 – Dans ces divers cas (Art. L.230-4 et L.123-9 ancien C.urb.), l’absence de saisine de la juridiction de l’expropriation dans le délai de trois mois n’interdit pas qu’elle soit saisie ultérieurement aux fins de fixation du prix et de transfert de propriété.

On peut s’interroger sur la portée de cette dernière disposition. Il peut paraître en effet illogique de permettre à un propriétaire de contraindre la collectivité à acquérir un immeuble qui ne subit plus aucune servitude. La justification réside peut-être dans la circonstance que l’immeuble reste le plus souvent sous la menace d’une expropriation à terme, et qu’en conséquence sa libre disposition est sérieusement compromise. Une telle possibilité reste donc ouverte pour permettre au propriétaire, ou à ses ayants droit, de continuer à jouir temporairement du bien puis de provoquer son acquisition par la collectivité au moment le plus opportun sans attendre l’expropriation.

Il convient d’observer à cet égard que les solutions sont différentes selon d’une part que la levée d’une réserve ou d’une servitude intervient de plein droit ou après mise en demeure d’y procéder, ou d’autre part qu’elle intervient à l’initiative de la collectivité publique lors d’une modification du plan d’urbanisme (supra n° 88)

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b) – Terrain faisant l’objet d’une D.U.P. (Art. L.241-1 C.expro.)

95 – Forme - La MDA est adressée par lettre recommandée avec avis de réception à l'expropriant, avec copie au préfet  (auparavant, sous le régime de l'art. R.11-18 C.expro, la demande devait être adressée au préfet qui en saisissait l'expropriant, la demande adressée à l’expropriant étant alors irrégulière - plusieurs arrêts de la cour de cassation).

96 – Délai de négociation – L’expropriant dispose d’un délai de deux ans à compter de la réception de la MDA pour procéder à l’acquisition. Ce délai peut être prorogé d’un an (sauf si une décision de sursis à statuer a été prononcée en application des art. L.111-9 ou L.111-10 C.urb. – supra n° 77), si le préfet, 6 mois avant l’expiration de ce délai de deux ans, fait connaître au propriétaire que l’expropriant entend le proroger (Art. R.241-1 C.expro.).

A défaut d’accord à l’issue de ce délai de négociation éventuellement prorogé, il peut être procédé à la fixation judiciaire du prix, dans les conditions fixées par le code de l’expropriation.

Il ne semble pas que le délai de négociation doive impérativement être respecté par l'expropriant. En effet, il est déterminé au profit exclusif de la collectivité publique ou de l’établissement public concerné, de sorte que l’une ou l’autre devrait pouvoir y renoncer et saisir la juridiction en fixation du prix et transfert de propriété sans attendre son expiration .Il y a lieu de rappeler à ce sujet qu’en cas d’expropriation, la saisine du juge en fixation des indemnités peut intervenir, à l’initiative de l’expropriant, à tout moment à partir de l'ouverture de l’enquête préalable à la D.U.P., mais le transfert de propriété reste alors subordonné - sauf accord – à l’ordonnance d’expropriation rendu à la requête du préfet.

3 – Fixation judiciaire du prix

a) – Qualité pour agir

97 – L’initiative de l’action appartient au propriétaire lorsqu'il s'agit d'un délaissement en application de l'art. L.241-1 C.expro. (art. L.241-2 C.expro), ou à l’une ou l’autre des parties lorsque le délaissement est réglé par les art. L.230-1 et suivants du C.urb. (Art. L.230-3 C.urb.).

Dans le cas où le propriétaire a obtenu la mainlevée des servitudes ou de la réserve établies en application des art. L.123-2 C.urb. (ou L.123-9 ancien C.urb.) faute de saisine de la juridiction de l’expropriation dans le délai de trois mois suivant le délai de réflexion d’un an, il semble logique de conclure que cette faculté ne peut plus être exercée que par le propriétaire.

b) – Règles de procédure

98 – Les règles des art. R.311-9 et suivants du C.expro. s’appliquent (Art. R.311-31 C.expro.) – cf. supra n° 46 et 47.

L’action est dirigée, selon les cas, contre la collectivité publique ou l’établissement public ayant pris l’initiative du projet (Art. L.111-9 et L.111-10 C.urb.),contre le bénéficiaire de la réserve (Art. L.123-17 C.urb.), ou la commune (servitudes de l’art. L.123-2 C.urb.), ou contre la collectivité publique ou l’établissement public ayant pris l’initiative de la création de la ZAC (Art. L. 311-2 C.urb.), ou contre l’Etat (Art. 155 L. 2002-276 du 27.02.2002) dans le cas de la construction de nouveaux aéroports, l’Etat pouvant se faire substituer par un organisme agissant pour son compte.

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c) – règles de fond

99 – La juridiction statue selon les règles de fond applicables en matière d’expropriation (Art. L.331-2 C.expro.).

L’entier préjudice devant être réparé, à défaut de dispositions spéciales restrictives, des indemnités accessoires peuvent être allouées en sus du prix outre l’indemnité de remploi :

* Civ. 3°, 19 fév. 1992, n° 90-70092, Bull. III n° 52 (déjà cité).

* Civ. 3°, 26 mai 1993, n° 91-70267, Bull. III n° 73.

100 – La date de référence  est fixée en application de l'art. L.322-3 du code de l'expropriation en cas de délaissement prévu par l'article L.241-1 C.expro.

Dans les autres cas elle est déterminée de la manière suivante :

- S’il existe un plan d’urbanisme  (POS ou PLU) : à la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public le PLU (POS) ou l’approuvant, le révisant, le modifiant  et délimitant la zone dans laquelle est situé le terrain – C.urb. Art L.230-3 ; L.123-9 ancien) ;

- En l’absence de plan d’urbanisme (POS ou PLU) :

- un an avant l’ouverture de l’enquête préalable à la D.U.P. pour le cas mentionné à l’art. L.111-9 C.urb. (Art. L.230-3 C.urb. );

- à la date de publication de l’acte ayant pris le projet en considération pour les cas mentionnés à l’article L.111-10 C.urb.(Art. L.230-3 C.urb.) ;

- un an avant la création de la zone d’aménagement concerté pour les terrains situés en ZAC (Art. L.230-3 C.urb.);

- à la date de publication du décret délimitant le périmètre de délaissement pour les terrains situés au voisinage d’un nouvel aéroport de catégorie A (Art. 155 L. 2002-276 du 27.02.2002).

- étant encore rappelé qu’aucune date ne semble être prévue dans une telle hypothèse pour les cas de délaissement des art. L.211-12 et L.515-16 C.env.

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101 – Les dispositions de l’article L.322-9 C.expro. en cas d’origine de propriété récente s’appliquent (supra n° 52). En pareille situation, le juge dispose de tous les éléments pour apprécier le délai de cinq ans, puisque le transfert de propriété intervient à la date du jugement de première instance (infra n° 104).

102 – Les propriétaires de terrains dont seule une partie est comprise dans le périmètre autorisant le délaissement peuvent requérir l’emprise totale des biens dans les cas prévus par les articles L.13-10 et L.13-11 C.expro. (Art. L.230-3 C.urb. lorsqu’il ne s’agit pas d’un délaissement de l’art. Rappelons que dans ce cas l’acquisition du surplus intervient aux conditions du droit commun (pas d’indemnité accessoire, notamment de remploi). Si le terrain ne remplit pas les conditions prévues auxdits articles, ou si les propriétaires n’en font pas usage, ils peuvent demander une indemnité pour dépréciation du surplus, si tel est le cas.

d) – Faculté de renonciation

103 – La jurisprudence a admis, dans le silence des textes, que le propriétaire gardait la possibilité de renoncer unilatéralement à sa demande tant que le transfert de propriété n’était pas intervenu par une décision passée en force de chose jugée – même en cause d’appel – sans qu’il soit nécessaire que l’autre partie accepte le désistement :

e) – Transfert de propriété

104 – En plus de la fixation du prix et des indemnités accessoires, le jugement transfère la propriété des biens délaissés au profit de la collectivité contre laquelle l’action doit être dirigée (supra n° 92). A ce titre il doit être publié à la conservation des hypothèques, comme une ordonnance d’expropriation, en application de l’art. 28 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière. L’acquéreur, qui a la charge de cette publicité, devra satisfaire aux prescriptions des art. 3, 5 et 6 dudit décret (certification de l’identité des propriétaires, indication de l’origine de propriété des immeubles). La décision judiciaire doit obéir aux prescription de l’art. 7 du même décret, et il peut y avoir lieu en outre à l’établissement d’un document d’arpentage en cas de division d’une parcelle.

Eu égard à l’effet dévolutif de l’appel (Art. 562 NCPC), la cour n’est saisie que des chefs de jugement critiqués par l’acte d’appel.

En conséquence, compte tenu de la dualité de la décision de première instance qui statue sur les indemnités et transfère la propriété, le propriétaire appelant aura intérêt à faire appel sur le tout, notamment s’il veut conserver la possibilité d’user de sa faculté de renonciation. Un appel limité à la fixation des indemnités aurait en effet pour conséquence de rendre définitif le transfert de propriété.

En cas d’accord amiable, le transfert de propriété est constaté par un acte authentique (administratif ou notarié). La partie qui refuse de signer l’acte peut y être contrainte (compétence judiciaire – solution applicable en cas de préemption et qui paraît transposable – supra n° 60).

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4 – Effets attachés au transfert de propriété – Situation des occupants et autres titulaires de droits

105 – L’acte ou la décision portant transfert de propriété ont les mêmes effets qu’une ordonnance d’expropriation et éteignent par eux-mêmes à leur date tous droits réels ou personnels existants sur les immeubles cédés, les droits des créanciers étant reportés sur le prix (Art. L.230-5 C.urb., L.241-2 C.expro., L.123-9 ancien C.urb.).

Par voie de conséquence, les personnes titulaires de droits réels ou personnels ainsi éteints peuvent demander l’indemnisation de leur préjudice à la collectivité publique ou au service public ayant acquis les immeubles délaissés, sous réserve d’avoir été dénoncés ou de s’être fait connaître dans les conditions précédemment indiquées (supra n° 83). A défaut d’accord amiable les indemnités sont fixées par la juridiction de l’expropriation saisie à la diligence de l’une ou l’autre des parties, pour les personnes évincées à partir de la date de l’acte en vertu duquel leurs droits ont été éteints

* Civ. 3°, 30 mars 1994, n° 91-19623.

106 – Il convient de rappeler les dispositions des articles L.314-1 et suivants dont sont susceptibles de bénéficier les occupants.

5– Sanction du retard dans le règlement.

107 – La jurisprudence du Tribunal des conflits consacrant la compétence judiciaire en cas de retard dans le paiement en cas d’exercice d’un droit de préemption (supra n° 61) apparaît transposable en matière de délaissements.

108 – Rappelons que dans les cas réglés par les articles L.230-1 et s. C.urb. le prix doit être payé dans les deux ans de la MDA en cas d’accord amiable. Passé ce délai, l’intérêt de retard semble susceptible de s’appliquer, ne serait-ce qu’en application de l’art. 1153 du code civil, après mise en demeure.

En cas de fixation judiciaire du prix, toutes les dispositions du code de l’expropriation doivent trouver à s’appliquer, comme dans les cas de préemption (supra n° 60 à 62), plus spécialement celles relatives au paiement de l’intérêt légal (Art. R.323-14) à défaut de paiement du prix (ou de consignation en cas d’obstacle au paiement) dans le délai de trois mois suivant la signification de la décision juridictionnelle définitive (et après que la demande en ait été formulée dans les formes prescrites), et encore celles applicables en matière de révision du prix à défaut de paiement ou de consignation dans le délai d’un an suivant l’acte ou la décision définitive, sous réserve de la jurisprudence relative à l’exercice des droits de préemption (supra n° 62) qui semble transposable.

FIN DU TEXTE

 

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